La légalisation de la gestation pour autrui (GPA) est un des enjeux de la révision de la loi bioéthique prévue en 2010. Depuis plusieurs mois, cette question fait l’objet d’un battage médiatique rare, comme le connaît peut-être celle sur l’euthanasie : le pas à franchir est réel. Fin mars, l’association Clara - fondée par les époux Menesson - lançait un appel en sa faveur. Signé par une soixantaine de personnalités, dont le Pr Israël Nisand, le texte indiquait que la GPA « ne porte pas atteinte à la dignité de la femme si elle est pratiquée dans des conditions claires et sûres, altruistes, dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation, qui exclut toute marchandisation de la personne ». Mais peut-on s’assurer que ces conditions seront « claires et sûres » ? Le Pr René Frydman en doute.
En 2008, une commission sénatoriale proposait un encadrement assez large de la GPA. Les sénateurs suggéraient notamment que la femme du couple demandeur devait se trouver dans l’impossibilité de mener une grossesse à terme (faute d’utérus par exemple). Mais les questions restent complexes : peut-on également envisager d’ouvrir les conditions d’accès aux échecs de la procréation médicalement assistée? Doit-on utiliser les gamètes des deux parents ou peut-on avoir recours à un don d’ovocyte? La gestatrice a-t-elle la possibilité de changer d’avis et décider de garder l’enfant ou de faire une IVG ?
L’Académie de médecine, qui se dit « profondément concernée par la détresse des couples frappés par une infertilité d’origine utérine, d’autant plus ressentie que les autres causes d’infertilité ont progressivement trouvé le secours des techniques d’assistance médicale à la procréation », considère « qu’au titre de sa mission médicale », elle ne peut pas être favorable à la gestation pour autrui. Cette pratique, qui inaugure une « rupture entre d’une part la grossesse et l’accouchement, et d’autre part la filiation », met en jeu une personne en bonne santé, la gestatrice, engagée dans un parcours « qui n’est pas sans risque », estime l’Académie. La ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, partage cet avis ainsi que le Conseil d’État dont la première objection est tirée de l’intérêt de l’enfant. « À ce jour, aucune étude ne permet de mesurer l’impact psychologique de la gestation pour autrui sur les enfants nés de cette technique », note le Conseil d’État. « Mais le "don" de l’enfant à un autre couple présente une forte probabilité d’être vécu par cet enfant comme un abandon. ». S’agissant de la filiation des enfants nés, en France ou à l’étranger, d’une GPA, le Conseil d’Etat propose des « solutions ponctuelles » imaginées dans le but de « pallier les difficultés pratiques des familles ». Il ne s’agit toutefois pas de reconnaître des effets juridiques à une situation que le législateur français interdit. Le Comité consultatif national d’éthique devrait rendre un avis sur ce sujet avant la fin des états généraux de la bioéthique, en juin.
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