Un rapport de l’Inspection générale des Affaires sociales (IGAS) publié aujourd’hui jette un regard cru sur la gestion des ressources issues de la générosité publique par l’Institut Pasteur. Les inspecteurs Béatrice Buguet et André Bernay ont contrôlé les exercices 2009, 2010 et 2011. En 3 tomes, ils relatent des problèmes sur la gouvernance de la fondation reconnue d’utilité publique, créée en 1887, et sur la transparence de la gestion de dons.
Une gouvernance centralisée, atypique
En 2008, L’Institut Pasteur connaît une réforme statutaire, présentée comme un « toilettage ». Les modifications sont en fait profondes. Ses missions, à l’origine concentrées sur la recherche, notamment fondamentale, intègrent désormais l’enseignement et le transfert de connaissances en vue d’applications.
Surtout, le modèle de gouvernance s’éloigne de celui d’une fondation d’utilité publique, avec un pouvoir du directeur général statutairement renforcé. Non seulement il assume une fonction de président du conseil d’administration, mais aussi « de larges délégations que lui consent le bureau sans base juridique », écrivent les rapporteurs. En outre, l’actuelle directrice, Alice Dautry, est mandataire social de la fondation et rémunérée pour cette fonction, sans qu’aucun contrat n’ait été signé.
Le conseil d’administration est enfin insuffisamment informé et sa composition est à revoir : aucun représentant du ministère de l’Intérieur n’y participe (contrairement aux autres fondations d’utilité publique) mais il compte parmi ses membres le trésorier de l’Institut Pasteur, et un magistrat de la Cour des comptes, comme président du comité d’audit. L’IGAS estime nécessaire la modification des statuts de la fondation.
Des dons affectés aux fonds propres
L’IGAS dénonce une gestion comptable orientée vers l’accroissement des fonds propres de la fondation, qui s’élèvent à 600 millions d’euros. Les montants collectés auprès du public représentent 50 millions d’euros par an, ses activités propres, 100 millions, les subventions de l’État, 60 millions et des produits financiers jugés « significatifs », 25 millions. Selon les inspecteurs, les produits d’exploitation (230 millions en 2011), sont minorés, alors qu’une part dite « exceptionnelle » des libéralités est affectée directement en fonds propres. Ce mécanisme, ainsi que la non-inscription d’une partie des produits financiers et de la subvention du ministère de la Recherche en compte de résultat, conduisent à « une présentation artificielle d’un résultat d’exploitation qualifié de structurellement déficitaire » notamment auprès de tiers financeurs.
L’IGAS pointe des irrégularités dans la gestion de la subvention du ministère de la Recherche, en augmentation de 17 % entre 2008 et 2011. L’Institut Pasteur n’aurait notamment pas produit de comptes rendus. Il est aussi étrillé sur la valorisation financière des résultats de la recherche : « Les objectifs ne sont pas explicités, il n’existe ni cartographie des processus ni traçabilité homogène des dossiers. »
Pas de transparence à l’égard des donateurs
L’IGAS accuse enfin l’Institut Pasteur de n’être pas transparent sur l’usage des dons du public. Censés être affectés aux missions sociales, à la recherche, et aux équipes, ils nourrissent le patrimoine de la fondation. Celui-ci a augmenté de 15,7 millions en 2011 alors que l’Institut Pasteur accusait un résultat annuel négatif de 25,5 millions d’euros. « La relation avec les donateurs est altérée par une communication incomplète quant à l’objet et à l’affectation des libéralités sollicitées et reçues, par un compte d’emploi inexact et par des coûts de collecte minorés en affichage », tancent les inspecteurs.
Enfin, ils estiment que Pasteur s’exposent à des risques financiers, en raison d’une mauvaise gouvernance des placements, et recommandent à l’Institut de se pencher sur les éventuels conflits d’intérêts de ses membres ou conseils extérieurs.
Confiance du gouvernement
En réaction, l’Institut Pasteur s’est « insurgé » contre ces accusations. Il affirme en particulier que les dons sont utilisés dans l’année pour la recherche et leur traçabilité, assurée. Seuls les legs supérieurs à 300 000 euros peuvent être affectés au fonds de dotation, qui met l’institut à l’abri des aléas financiers. Il fait enfin savoir que les statuts ont été approuvés par le ministère de l’Intérieur en 2008.
Marisol Touraine, à la Santé, et Geneviève Fioraso, à la Recherche, « ont pris connaissance » du rapport de l’IGAS et « pris acte » des réserves de l’Institut. Elles rappellent que ses statuts reflètent « son histoire, ses spécificités et la volonté des membres fondateurs » et font savoir qu’elles reçoivent des informations « satisfaisantes » sur la gestion des subventions. Tout en promettant d’examiner les réponses de l’Institut aux observations de l’IGAS, les ministres réitèrent leur confiance dans « l’excellence de la recherche menée par l’Institut ».
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