LE QUOTIDIEN - Il y a cinq mois vous écriviez une lettre aux personnels de santé pour les alerter de la situation en Syrie, avez-vous eu des retours ?
Pr Raphaël Pitti - Aucun, c’est révoltant. J’aurais cru que les médecins se seraient manifestés. Personne ne bouge ni eux ni le conseil de l’Ordre. Je trouve scandaleux que les médecins français ne s’élèvent pas, sur le plan éthique, contre le fait que des médecins soient tués parce qu’ils font leur métier. Le troupeau ne se révolte que quand on touche à sa pâture. C’est désolant et triste. On ne bouge que si on est directement touchés, personnellement. Si c’est loin, si ce n’est pas mon problème, cela n’intéresse pas.
Mais vous-même, pourquoi être parti en Syrie ?
Pour comprendre. Dans la vie, j’ai souvent agi de manière spontanée. Un matin, j’ai entendu sur France Culture que les médecins syriens étaient visés, que les hôpitaux étaient bombardés. Je me suis dit « ce n’est pas possible ». J’ai pris contact avec l’UOSSM, leur ai dit que je voulais aller voir et soigner. En octobre, je me suis donc retrouvé à Ad Dana puis à Al Bab, une ville au nord-est d’Alep. La situation était particulière. La salle de déchoquage était sale, il y avait du sang séché par terre. C’était désorganisé, des types en armes rentraient dans l’hôpital. J’ai dit aux médecins syriens qu’on ne pouvait pas travailler comme ça, qu’il fallait nettoyer, trier les blessés qui arrivaient. Ils m’ont écouté.
Au retour, quand je suis repassé par le bureau de l’UOSSM en Turquie, nous avons alors parlé de formation. Je suis universitaire, j’ai enseigné pendant plus de quinze ans, c’est ce que je sais faire. D’ailleurs, comment aider les Syriens autrement qu’en faisant ça ? Aller quinze jours dans un hôpital, opérer, rentrer et dire « j’ai opéré », c’est nul sans poursuite dans l’action.
C’est ce que font la majorité des médecins des ONG …
C’est une goutte d’eau dans l’infini besoin. La goutte est importante bien entendu, je ne le nie pas. C’est important en termes de témoignage mais ce n’est pas d’une grande rentabilité en termes d’efficacité. Si on forme, on améliore la prise en charge et on pérennise l’action au travers de ceux qui sont formés. Former en plus des formateurs syriens permet d’assurer la continuité de la formation elle-même, que ces médecins puissent transmettre à leur tour.
L’intérêt est aussi de former des gens sur des protocoles établis. Dans une telle situation de crise, vous déterminez quel type d’antalgique, d’antibiotique ou d’antiseptique il vous faut. Les médecins n’auront pas tendance à demander n’importe quel antibiotique par exemple. Ils demanderont celui qui est dans le protocole et les trouveront dans tous les hôpitaux. Cela permet d’uniformiser la prise en charge des patients. Du même coup, vous rentabilisez le réapprovisionnement des médicaments en diminuant les coûts.
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