PLUS DE 280 000 consultations, 7 000 enfants opérés, 42 000 scanners, 16 000 enfants hospitalisés, 1 100 missionnaires (médecins venus effectuer une mission locale). Le bilan chiffré de l’hôpital construit à Kaboul en 2003 par la Chaîne de l’Espoir, montre que le défi de faire fonctionner dans la capitale afghane un établissement ultra-moderne, aux normes occidentales, a été relevé. L’enthousiasme a eu raison des polémiques. Dans son livre « Au cœur de l’espoir »*, Éric Cheysson se souvient des réactions déclenchées lors de l’annonce de projet : « Pour beaucoup, c’était un peu trop beau pour pareil pays, un peu trop cher aussi. » Ce débat le met hors de lui : « Comment oser dire que ce qui est nécessaire pour sauver un enfant malade à Chambéry serait trop dispendieux pour un gosse de Kaboul, s’insurge-t-il. Pourquoi la médecine humanitaire devrait-elle être pratiquée au rabais, sous prétexte qu’elle s’adresse à des pauvres ? »
D’ailleurs, le chirurgien vasculaire, chef de service à l’hôpital René Dubos à Pontoise, dénonce « le pléonasme de l’appellation médecine humanitaire », au motif que « La médecine, c’est la médecine. Elle se passe d’adjectif et ne traite que de l’humain. »
Avec ses trois niveaux, le long bâtiment beige de l’hôpital, orné d’une fresque d’une dizaine de mètres de haut qui représente une mère afghane en burqa bleue serrant son enfant dans les bras, est littéralement pris d’assaut par des familles riches et pauvres, urbaines ou rurales qui viennent des quatre coins du pays pour faire soigner leurs enfants. C’est le seul établissement du pays susceptible de les opérer à cœur ouvert. En attendant que soit créée bientôt, à l’attention des mères, la deuxième aile, avec ses services de maternité, d’obstétrique et de gynécologie.
Rendre possible l’improbable.
Au rez-de-chaussée, douze cabinets de consultations orthopédiques, cardiaques, viscérales, pédiatriques sont quotidiennement débordés, avec des bancs disposés tout le long du couloir en guise de salle d’attente.
« Eric l’Afghan », comme il est surnommé, raconte comment l’hôpital vit sa vie, plein à craquer, accueillant trop de monde pour ses capacités, sans cesse au bord de la rupture. Pas assez de lits, pas assez d’argent, pas assez de matériel, et pourtant il fonctionne. L’endurance des équipes rend possible l’improbable. Au fil des pages, dans le sillage de Bernard Kouchner et d’Alain Deloche, le lecteur voit surgir les figures emblématiques de Kate, l’infirmière écossaise, qui fume ses deux paquets de Malboro par jour, sirote son gin et soigne sans relâche les petits Afghans depuis vingt ans ; Alexander, l’infatigable pédiatre allemand, à mi-chemin entre le Petit Prince et Charles de Foucault ; Nadji, le jeune chirurgien afghan, entièrement formé par la Chaîne, et qui réalisera la première intervention à cœur ouvert dans l’histoire de son pays.
Bien sûr, les enfants sont présents, au fil des pages, le petit Afzal, huit ans, à l’œsophage détruit par l’acide sulfurique, Yalda, sept ans, spasmée dans son lit, qui ne peut plus respirer par suite d’une malformation cardiaque congénitale, Afza, et tous ces enfants intransportables qui n’auront pas été abandonnés à leur sort grâce à l’hôpital français.
Alors que les quelque 39 000 soldats qui composent le contingent français vont se retirer avant 2014, que restera-t-il à Kaboul de la présence française, sinon cet hôpital, interroge, avec un mélange de fierté et d’inquiétude, Éric Cheysson. « L’hôpital continuera, car s’il s’arrête, c’est la mort assurée pour de multiples patients », affirme-t-il. Éric l’Afghan « croit perpétuellement que la médecine fera plus que toutes les armées modernes réunies. »
*Éditions Robert Laffont, 282 p., 20 euros
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