• La recherche sur l’embryon : pour un régime d’autorisation
Une première possibilité consisterait à renouveler le régime actuel d’interdiction avec une dérogation pour une durée de cinq ans. Mais, pour le Conseil d’État, la pertinence scientifique d’un tel délai n’est pas avérée : « Il est peu vraisemblable que les incertitudes actuelles sur l’intérêt de la recherche sur l’embryon humain soient levées à une échéance aussi rapprochée. » Restent deux solutions : soit conserver le principe actuel d’interdiction avec dérogation, en le pérennisant, soit créer un régime permanent d’autorisation des recherches, dans des conditions strictes. Le Conseil d’État se prononce pour la deuxième. « On constate qu’en pratique, plus de 95 % des projets de recherche soumis à autorisation ont été retenus par l’Agence de la biomédecine, qui a estimé qu’ils remplissaient les conditions légales et qu’il s’agissait de projets de bonne qualité scientifique, prometteurs sur le plan des avancées qui peuvent en être attendues. » L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPESCT) et l’Agence de la biomédecine, qui ont rendu leur avis précédemment, sont arrivés à la même conclusion.
• Le diagnostic prénatal et préimplantatoire : un bon équilibre
Dans la pratique du diagnostic prénatal (DPN), le Conseil d’État estime que « la dimension d’annonce, d’accompagnement de la femme enceinte dans sa décision de poursuivre ou non la grossesse, et de conseil sur la mise en uvre des actions périnatales appropriées » devrait être davantage mise en valeur. Concernant le diagnostic préimplantatoire (DPI), la question la plus aiguë est celle de la recherche non seulement de maladies génétiques identifiées mais également d’une prédisposition à certaines maladies à révélation tardive (formes héréditaires de cancers). Sur ce point, la notion de « particulière gravité » semble laisser une marge suffisante d’interprétation aux centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal, estime le Conseil d’État. Même avis pour l’Agence de la biomédecine qui juge les dispositions de la loi « cohérentes ». Enfin, s’agissant du DPI-HLA (les « bébés du double espoir »), dispositif introduit en 2004 à titre expérimental, le Conseil d’État suggère de le proroger en prévoyant son évaluation approfondie sous un délai de cinq ans par l’Agence de la biomédecine.
• L’assistance médicale à la procréation (AMP)
Contrairement à l’Office parlementaire, qui suggérait de reconsidérer la notion de couple stable (deux ans de vie commune) pour accéder aux techniques d’AMP, le Conseil d’État considère que l’abandon de ce délai fixe applicable sur l’ensemble du territoire « ouvrirait la voie à des pratiques différenciées, où l’arbitraire pourrait l’emporter ». Il propose donc de conserver ce délai dans la loi, en y ajoutant, à côté de la mention du mariage, celle du pacte civil de solidarité. Concernant le transfert d’embryons post-mortem, le Conseil d’État relève juste que la position de refus finalement retenue par le Parlement en 2004 s’appuie sur « des principes forts ». Quant à l’accès à l’AMP des femmes vivant en couple, comme celui des femmes célibataires, et « compte tenu des auditions auxquelles il a procédé », le Conseil d’État « ne propose pas de modifier la législation », qui l’écartait.
• Les dons de gamètes : l’anonymat en question
La question est de savoir s’il faut ou non revenir sur les principes d’anonymat et de gratuité. Comme l’OPESCT, le Conseil d’État estime que l’identification éventuelle du donneur ou de la donneuse ne peut en aucun cas avoir une incidence sur la filiation de l’enfant issu du don. Selon lui, l’argument d’une chute importante des donneurs en cas de levée de l’anonymat (argument donné par l’Agence de la biomédecine) a son poids. Mais il doit être « contrebalancé par la préoccupation plus fondamentale de l’intérêt de l’enfant ». Le Conseil d’État penche pour un régime « combinant un accès de tout enfant majeur le sollicitant à certaines catégories de données non identifiantes et la possibilité d’une levée de l’anonymat si l’enfant le demande et si le donneur y consent ». Sur le principe de la gratuité, le Conseil d’État rejoint l’avis de l’Agence de la biomédecine : le don de gamètes ne doit faire l’objet ni d’une rémunération, ni d’une indemnisation, « en raison du principe de non-patrimonialité du corps humain et de ses éléments ». En revanche, il est nécessaire que les donneuses d’ovocytes puissent être intégralement remboursées des dépenses engendrées par leur don. « Cela n’est pas encore suffisamment le cas », note le Conseil d’État.
• La gestation pour autrui : objection
Une commission sénatoriale avait proposé la légalisation des mères porteuses. L’Office parlementaire s’y est refusé, considérant la pratique comme trop « biologisante ». À l’image de l’Académie de médecine, le Conseil d’État recommande de ne pas légaliser cette pratique, eu égard à l’intérêt de l’enfant et de la mère porteuse. « Le Quotidien » reviendra prochainement sur ce sujet très médiatique avec un face-à-face des Prs René Frydman et Israël Nisand, deux spécialistes de l’AMP.
Le rapport du Conseil d’État peut être consulté, comme ceux de l’OPESCT et de l’Agence de la biomédecine, sur le site dédié aux états généraux de la bioéthique (etatsgenerauxdelabioethique.fr)
Pas de surrisque pendant la grossesse, mais un taux d’infertilité élevé pour les femmes médecins
54 % des médecins femmes ont été victimes de violences sexistes et sexuelles, selon une enquête de l’Ordre
Installation : quand un cabinet éphémère séduit les jeunes praticiens
À l’AP-HM, dans l’attente du procès d’un psychiatre accusé de viols