AURÉOLÉE DE son prix Nobel, qui la récompense pour les efforts de paix accomplis à l’intérieur de ses frontières, l’Union européenne va-t-elle maintenant déployer ses opérations humanitaires à l’extérieur et exercer un contrôle sur les associations ? « Beaucoup des dérives et de pagaille ont été dénoncées parmi les ONG, après le tsunami de 2006, ou le tremblement de terre en Haïti, constate Pierre Salignon, directeur général de Médecins du monde, et elles pourraient servir de justification à une intrusion de la Commission sur la planète humanitaire ».
Selon une des dispositions du Traité de Lisbonne (2007), un projet d’initiative globale prévoit la création d’un corps humanitaire européen, l’EVHAC (European voluntary Humanitarian Aid Corps), avec la formation, entre 2014 et 2020, de 10 000 jeunes et leur envoi en mission dans des pays frappés par des crises humanitaires. Un rapport publié en 2006 par la Commission avait pourtant épinglé un « projet ni réaliste, ni même souhaitable, (..) basé sur l’offre plus que sur les besoins de terrain ». Par l’intermédiaire de VOICE (Voluntary organisations in cooperation in emergency), qui regroupe plus de 80 associations européennes, les ONG se félicitent du budget qui a été programmé pour l’opération, 210 millions d’euros, mais expriment surtout leur crainte de voir ce financement « empiéter sur l’actuel budget humanitaire de la Commission » et « compromettre les efforts actuels de professionnalisation engagés par les divers acteurs non gouvernementaux ».
L’UE premier bailleur
Ainsi, à la Croix-rouge française, Antoine Peigney, directeur des programmes internationaux, met en avant le travail de son centre Bioforce pour former des volontaires et s’interroge sur la pertinence de lancer un programme européen sur le même terrain, plutôt que de renforcer les actions en cours.
Si le projet de Bruxelles suscite la réticence générale parmi les humanitaires, ceux-ci se gardent de l’exprimer trop bruyamment, l’UE étant leur premier bailleur institutionnel, avec environ 30 % de l’aide publique distribuée. Sous la pression, ECHO (aide humanitaire et protection civile de la Commission) est en train pourtant de revoir sa copie : Kristalina Georgieva, la commissaire à la coopération internationale, l’aide humanitaire et la réaction aux crises a rayé le mot « corps » et parle maintenant de projet d’initiative globale « EU aid volunteers ». Le déploiement de 10 000 volontaires, et plus seulement des jeunes, mais aussi des experts de l’aide internationale, ou des retraités, reste programmé pour la période 2014-2020 doté de 137 millions d’euros et d’un programme de formation pour 58 millions d’euros. Mme Gerogieva annonce aussi la mise au point d’« un label de qualité qui garantit une formation adéquate des volontaires, reconnaissable par les citoyens et les organisations intéressées ». L’initiative européenne veut aller plus loin encore, avec l’élaboration de « normes européennes pour la gestion des bénévoles engagés dans des opérations humanitaires ». La Commission se propose de certifier les ONG qui adhèreraient à ces normes et pourraient ensuite demander des subventions à l’UE.
Faire le ménage dans l’humanitaire
« Cette labellisation ou certification conditionnerait-elle à l’avenir l’éligibilité aux aides européennes, en excluant les associations sans label ? », s’interroge Annable Hervieu, à Aide Médicale internationale (AMI), perplexe comme la plupart des responsables joints par le Quotidien qui se demandent encore sur quels critères serait accordé ce futur label UE.
« Nous sommes déjà l’objet de multiples contrôles et procédures, souligne Pierre Salignon, avec des instances comme la Cour des Comptes qui veillent sur notre gestion pour que nous puissions percevoir des aides publiques ou des financements privés. On ne peut que s’interroger sur l’arrière-plan orwellien de cette initiative conçue par des technocrates, sur le modèle des Peace Corps Volunteers à l’américaine. Est-ce que la Commission veut faire le ménage dans l’humanitaire en supprimant des associations jugées trop nombreuses et désordonnées ? »
La crainte de beaucoup serait de voir entraver l’esprit de liberté qui caractérise le mouvement des french doctors, au profit d’une superstructure technicienne, voire technocratique.
Antoine Peigney se montre pour sa part très circonspect, alors que la Croix-Rouge française vient d’encadrer une première expérience pilote avec ECHO : 21 jeunes diplomés ont été sélectionnés, formés et envoyés pendant un an comme assistants coordinateurs, avec un budget de 500 000 euros ; « ils se sont rendus utiles mais en tant qu’opérateur pragmatique, confie-t-il, ce n’est pas à ce type d’action que je penserais en priorité, compte tenu de nos besoins sur le terrain. N’est-il pas plus urgent de sauver ce qui marche déjà ? »
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