Selon une enquête de terrain menée par Médecin sans Frontière (MSF), le conflit toujours en cours cause de nombreuses perturbations dans le système de santé afghan, contrairement à ce que semble affirmer les discours « lénifiants » des autorités de Kaboul.
Au cours des 12 derniers mois, 19 % des patients, ont eu un de leurs proches qui est décédé faute d’accès aux soins. Environ 29 % des patients, ou un membre de leur famille, ont subi des violences sur la même période tandis que près d’une personne sur quatre a perdu un proche à cause de violences causées par la poursuite du conflit armé dans une grande majorité des cas. Le nombre de personnes traitées pour des blessures par balles ou armes blanches a augmenté de 60 % en 2013.
MSF de plus en plus sollicité
« Il y a des études mortalités qui montrent des améliorations dans le pays, explique au « Quotidien » le Dr Catherine Van Overloop, responsable médical pour les opérations de MSF en Afghanistan, mais nous avons vu en un an un doublement du nombre de patients dans nos établissements. Cela nous a poussés à nous demander si l’accès au soin dans les autres centres de santé du pays n’était pas dégradé par les violences qui ont fortement repris l’année dernière. » En 2013, les centres de soins gérés par MSF ont assuré 4 000 naissances et 900 actes chirurgicaux par mois.
L’enquête a été réalisée dans les quatre centres médicaux gérés ou assistés par l’organisation humanitaire depuis son retour dans le pays en 2009. Les quatre établissements sont un centre de traumatologie dans le nord du pays, à Kunduz, un hôpital provincial à Lashkar Gah dans le sud ainsi qu’une maternité dans l’est du pays et un hôpital à Kaboul. Pendant six mois, 800 patients ont été interrogés sur les blocages qui se sont dressés entre eux et les soins médicaux.
Les auteurs précisent bien que ces résultats ne sont issus que de quatre endroits bien précis, qui plus est des centres urbains, et ne peuvent donc être extrapolés à l’ensemble du pays. Ils donnent une bonne idée des difficultés qui y sont rencontrées. « Nous avons recueilli des témoignages auprès de gens vivant à la ville et qui ont pu atteindre l’hôpital, il y a donc un biais », estime Catherine Van Overloop, « c’est pourquoi, nous avons posé ces questions sur leurs familles, afin de réduire le biais ».
Une année charnière
Ce rapport intervient à un moment crucial : 2014 est en effet l’année où le gouvernement afghan soit prendre en charge lui-même la sécurité du pays. MSF a souhaité sortir ce rapport en réponse à l’auto satisfecit des autorités locales quant à l’amélioration de la qualité des soins depuis l’intervention militaire de 2002 et les investissements étrangers qui ont suivi.
« Des progrès ont indubitablement été faits, notent les auteurs du rapport, mais de nombreux besoins humanitaires non satisfaits sont encore négligés », s’alarment-ils. « Les troupes vont partir et les pays impliqués ainsi que les bailleurs de fond vont changer de stratégie pour se détourner de l’Afghanistan », prédit Catherine Van Overloop, qui rappelle que le système de santé afghan repose tout entier sur l’aide extérieure.
Insécurité permanente
Selon les estimations de l’organisation Afghanistan Analysts Network, la croissance économique, qui étaient de 10 % par an ces dernières années, est tombée à 3,1 % sous l’effet de la fin progressive de la présence étrangère, ce qui devrait aussi avoir un retentissement sur la santé publique afghane. Parmi les personnes qui ont éprouvé des difficultés pendant l’année écoulée pour accéder à un des établissements géré par MSF, 74 % ont été bloqués ou retardés par des combats, ou dissuadés de se déplacer par l’insécurité qui règne pendant la nuit.
Catherine Van Overloop raconte l’histoire de familles qui « ont dû veiller un de leur proche toute la nuit, en priant qu’il soit encore en vie au matin quand il redevenait possible de se déplacer ». D’autres facteurs sont mis en cause dans le rapport, et notamment l’éloignement géographique du centre de soin le plus proche, puisqu’une personne sur dix affirme avoir dû faire plus de deux heures de route, souvent dangereuses, pour atteindre l’établissement.
La région la plus sinistrée étant celle autour du centre de traumatologie de Kunduz, où 27 % des blessés graves ont été transportés par la route pendant plus de deux heures. MSF évoque enfin les problèmes de pauvreté : 44 % de leurs patients ont été contraints d’emprunter ou de vendre leurs biens pour se faire soigner.
Trop peu de personnel local disponible
Malgré l’augmentation des violences, MSF compte intensifier sa présence dans le pays mais se heurte à des problèmes de recrutement. On estime qu’il y a deux médecins pour 10 000 Afghans, contre 34 pour 10 000 en France, et ces praticiens sont très mal répartis aussi bien géographiquement que selon leurs spécialités. En dehors des médecins étrangers, il n’y a par exemple « qu’un seul médecin anesthésiste afghan dans le pays », se désole Catherine Van Overloop.
« Il y a également un gros manque de personnel féminin qualifié dans un pays où, culturellement, les femmes préfèrent se faire soigner par d’autres femmes. » À l’hôpital de Kaboul, des sages-femmes ont dû être formées en urgence pour devenir infirmières assistantes, et seulement trois femmes gynécologues ont été trouvées par MSF. Catherine Van Overloop veut conclure sur une note d’espoir : « En dix ans, d’énormes progrès ont été faits en matière d’éducation des petites filles, mais il y a tellement de besoin... et il faudra attendre encore plus de dix ans pour avoir une génération de femmes soignantes. »
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