Le QUOTIDIEN - Ancien infirmier, devenu médecin anesthésiste-réanimateur et professeur à la faculté de médecine de Montpellier, vous connaissez bien le monde de l’urgence. Quel regard portez-vous sur votre élection à la présidence de la Croix-Rouge française ?
JEAN-JACQUES ELEDJAM - Mon élection s’inscrit dans un parcours. Toute ma vie, j’ai travaillé dans le service public et j’ai essayé de rendre ce qu’on m’a donné. J’appartiens à la Croix-Rouge française depuis une dizaine d’années. J’ai commencé dans une petite délégation locale du côté de Montpellier puis je suis devenu personnalité qualifiée dans le Languedoc-Roussillon, président régional, et administrateur national. Contrairement à mes prédécesseurs, je suis un homme du terrain. La succession de Jean-François Mattei s’est faite naturellement : il m’a « tuilé » en m’apprenant ce que doit être un président national. Aujourd’hui, au sortir de plusieurs rendez-vous ministériels, je goûte mon plaisir. C’est une aventure. La Croix-Rouge incarne un esprit et une histoire auxquels tout le monde est sensible.
Vous sortez d’une réunion avec la ministre déléguée aux Personnes âgées et à l’Autonomie, Michèle Delaunay. Quelle est l’importance de ce secteur pour la Croix Rouge Française ?
Le soutien aux personnes âgées est un axe fort. Nous gérons quelque 660 établissements sociaux et médico-sociaux et nous menons parallèlement une politique de maintien à domicile des personnes âgées. Nous y avons consacré 40 millions d’euros cumulés, soit 7 millions par an. Aujourd’hui, nous sommes en déficit, certains établissements sont plus rentables que d’autres. Mais nous ne nous désengagerons pas : la Croix-Rouge française est la seule à être partout, y compris dans les milieux ruraux et les zones les plus défavorisées.
Il va donc falloir mutualiser nos moyens et utiliser nos fonds propres, issus du don public, pour poursuivre cette mission. Ce sont le bénévolat et les délégations locales qui assurent l’équilibre de la Croix-Rouge : ces dernières ne sont pas toutes riches, mais elles couvrent tout le territoire. Mais nous ne pourrons pas faire face seuls : Il faut un concours public plus important.
Par ailleurs, puiser dans nos fonds propres signifie faire des sacrifices dans les autres directions, notamment la direction des relations et des opérations internationales (DROI), que nous alimentons annuellement à hauteur de sept à neuf millions d’euros.
Concrètement, qu’attendez-vous de la loi sur l’autonomie ?
C’est une avancée dont il ne faudrait pas se priver. Il faut à la fois une réforme structurelle et des moyens. Michèle Delaunay nous a demandés, en tant qu’auxiliaire des services publics, de participer aux consultations relatives au projet de loi, ainsi qu’à la Silver Economy et au projet MONALISA (Mobilisation nationale contre l’isolement social des âgés). Elle a en outre sollicité notre avis sur les maisons de retraite communautaires, non communautaristes. Je pense que l’idée mérite d’être explorée. La Croix-Rouge est toujours là où les autres ne sont pas, même lorsque des questions éthiques se posent, comme au sujet des étrangers mineurs, des prisons, de la toxicomanie. C’est pour cela que je veux créer un comité d’éthique composé de personnes venant d’horizons différents.
Quelles impulsions souhaitez-vous donner à l’étranger ?
En Afrique, Marc Gentilini (Président de la Croix Rouge de 1997 à 2003, NDLR) avait développé des centres de traitement ambulatoires (CTA) pour les personnes touchées par le virus du SIDA. Nous souhaiterions les faire évoluer vers la prise en charge des maladies chroniques non transmissibles.
À l’égard du conflit syrien, la Croix Rouge Française obéit aux règles du Mouvement international de la Croix-Rouge, composé du CICR et de 189 sociétés nationales regroupées au sein de la Fédération Internationale de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge. Nous, Croix-Rouge française, sommes basés sur le pourtour du pays et nous coordonnons actuellement un projet de financement européen avec 9 sociétés sœurs pour anticiper la protection des réfugiés en Irak, en Jordanie et au Liban alors que l’hiver arrive.
On a pu reprocher à la Croix Rouge Française de n’être pas intervenue directement en Syrie...
C’est une absurdité. On ne rentre pas comme ça dans des territoires en guerre, nous obéissons à des valeurs, dont le respect des pays. Le Croissant Syrien intervient en Syrie. La Croix Rouge Française est en charge de l’accueil des réfugiés. Si nous sommes intervenus au Mali, ce n’était qu’à la demande du Croissant Rouge Malien. Aujourd’hui, nous traitons la post-urgence. Les règles de notre Mouvement donnent mandat au CICR pour intervenir en temps de guerre et aux Sociétés nationales pour intervenir à l’étranger en dehors des zones de conflit.
L’an prochain, la Croix-Rouge française aura 150 ans. Que préparez-vous pour cet événement ?
Je souhaite déposer un projet de loi intitulé « Croix Rouge », pour que nous puissions avoir un accès simplifié aux administrations dans le cadre de notre mandat dans le rétablissement des liens familiaux (RLF) et dans la promotion du Droit international humanitaire (DIH) .
Nous voulons aussi mettre en lumière les gens de l’ombre. Nous avons demandé au Président de la République de participer au défilé du 14 juillet sur les champs Élysées. Nous souhaiterions aussi le voir s’associer à nous pour le ravivage de la flamme sous l’Arc de Triomphe. 2014 marquera les 100 ans de la guerre 14-18. La Croix Rouge Française a beaucoup donné. Les taxis de la Marne, c’était elle.
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