Il y a deux semaines, le Dr Bruno Hammel, généraliste près de Périgueux, a été élu à la tête du conseil de l’Ordre des médecins de Dordogne. Une prise de poste qui est intervenue dans un contexte de grogne locale autour de son prédécesseur démissionnaire, le Dr Denis Marty, accusé par certains confrères d’avoir rédigé un édito « pro-Raoult ».
En novembre dernier, dans le bulletin de l’Ordre des médecins périgourdins, le Dr Marty – président du CDOM depuis 2021 – avait publié un éditorial critique envers la gestion du Covid, introduit par une citation du célèbre infectiologue marseillais : « Pour rejoindre le troupeau, pas besoin de cerveau, les jambes suffisent. »
Mais cet édito, « publié sans notre avis, n’a pas été partagé par l’ensemble des conseillers ordinaux qui lui reprochaient de ne pas tenir compte de l’avis ordinal général », se souvient le Dr Hammel, contacté par « Le Quotidien ». À la lecture du bulletin, le généraliste s’est dit « contrarié », à la fois par la démarche « de cavalier seul » de son confrère, mais aussi sur le fond « car en citant le Pr Raoult, il se place dans la polémique, c'est un personnage condamné par l’institution ordinale ».
La médecine comme un art ?
Face à la fronde de certains médecins, le Dr Marty décide alors de démissionner. « C’était un choix qui n'appartenait qu’à lui, il n’y a pas eu de demande de la part de qui que ce soit », assure son successeur.
Dans son texte engagé, le Dr Denis Marty critiquait notamment « l’atteinte à la liberté de prescription » émanant, selon lui, des autorités pendant la pandémie. Le généraliste regrettait que « les modélisations mathématiques (aient) pris le pas sur les observations scientifiques tirées de la réalité tangible » et que « certaines démarches de soins fondées sur l’expérience et le suivi des patients (aient) été discréditées ». Denis Marty – qui ne cite aucun médicament – mettait en avant sa propre vision de la médecine, une pratique qui se rapprocherait de l'art. Et de lancer que « l’épistémologie nous apprend que le processus d’innovation est le plus souvent incompatible avec la règle ».
Une vision révolue de la médecine
En filigrane, « c’est une critique de certaines professions médicales comme les épidémiologistes ou les médecins de santé publique », déplore le Dr Hammel. Pour le nouveau président de l'Ordre départemental, l’édito fait « l’apologie d’une médecine qui n’est plus de mise, qui ne correspond plus au besoin de la population et laisse sur le carreau trop de Français », fait-il savoir. Une vision de la médecine révolue, voire passéiste, « qui consiste à dire que l’on n’a pas besoin de l'avis des épidémiologistes, que c’est comme le médecin le ressent, au chevet de son malade… », détaille encore le Dr Hammel, qui souhaite plutôt promouvoir « une médecine basée sur les preuves ».
Et si, pendant la pandémie, « certains médecins étaient persuadés de bien faire » – en prescrivant par exemple de l’ivermectine ou de l’hydroxychloroquine – « c’était uniquement dans leur tête, sans jamais l’ombre d’une preuve scientifique », recadre le généraliste de Périgueux.
Pour Bruno Hammel, cette polémique périgourdine reste toutefois « une tempête dans un verre d’eau », cantonnée au mieux ordinal. « Nos patients ont tellement de difficultés à trouver un médecin que cette affaire-là leur est un peu égale ».
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