« NOUS VIVONS sur le présupposé que notre système de santé et de protection social est bon. À droite comme à gauche, c’est un impensé ! » dénonce le Dr Olivier Bernard, président aux petites lunettes rondes de Médecins du monde. Pour dessiller les yeux des politiques et plus largement de la société civile à 2 mois du premier tour de l’élection présidentielle, l’association sillonne, en caravane, les routes de France pour présenter ses actions, et diffuse des affiches représentant la tête de Marianne, symbole de la République immaculée telle qu’on la rêve, coiffant des corps meurtris, pour illustrer des chiffres phares : 68 % des femmes enceintes qui consultent les équipes de MDM n’ont pas accès aux soins prénataux, 70 % des enfants ne sont pas à jour de leurs vaccinations, 1/4 des personnes se font soigner trop tard, 85 % n’ont aucune couverture maladie.
Le système de santé souffre, et les phénomènes qui touchent les publics précaires, loin d’être marginaux, préfigurent l’avenir pour le reste de la population. « Il y a trois ans, nous constations que 25 % de nos patients venaient se faire soigner trop tard, maintenant le taux est de 30 % pour l’ensemble des Français », souligne le Dr Bernard.
Pas de fatalité.
À cela, aucune fatalité, même sous la figure de la crise. « Des politiques répressives stigmatisent les populations qu’on prend en charge, et rendent malade », accuse le président de MDM. « Expulser les Roms de leur lieu de vie sans proposition de relogement est criminel », renchérit le Dr Jean-François Corty, directeur des missions France. Il raconte avoir vu des mères, jetées des squats aux trottoirs de Marseille, diluer les biberons de leurs enfants avec du coca et de l’eau. Seulement 8 % d’entre eux possèdent un carnet de santé avec leurs vaccins à jours et 55 % sont vaccinés contre Rougeole, oreillons, rubéole. MDM avait engagé une campagne de vaccination l’an dernier en collaboration avec l’agence régionale de santé et les PMI de Provence-Alpes-Côte d’Azur. « Nous avions demandé à la préfecture de ne pas expulser les personnes sans logement. Nous avons pu réaliser une première injection pour 200 personnes, mais un mois plus tard, pour le rappel, nous n’avons pu retrouver que 50 personnes », s’exaspère le Dr Corty, qui préconise d’arrêter les expulsions durant les campagnes de prévention et de lever les mesures transitoires concernant les citoyens européens.
La démonstration est similaire pour la prostitution : la loi pour la sécurité intérieure en 2003 a réintroduit le délit de racolage passif. Conséquence, les prostitués ont été relégués dans des lieux isolés, loin des structures de soins. « Le VIH et l’hépatite s’émancipent », constate Jean-François Corty.
Contre ces politiques répressives, MDM propose toute une batterie de mesures à appliquer d’urgence : suppression du droit d’entrée de 30 euros à l’aide médicale d’état (AME), fusion de l’AME et de la couverture maladie universelle (CMU) pour éviter les effets de seuils qui délaissent une population trop riche pour la CMU, trop pauvre pour les mutuelles, abrogation du délit de racolage passif, proposition de solutions de relogement, investissement dans l’éducation aux risques des injections pour les usagers de drogues et développement de solutions innovantes comme les salles de consommation supervisée.
Le président de MDM s’est « longuement entretenu » avec les responsables santé de l’UMP, du PS, et de EELV. « Dans leur programme, on aperçoit quelques lignes sur les inégalités territoriales et les dépassements d’honoraires », constate Olivier Bernard. Philippe Juvin, eurodéputé de la majorité spécialisé dans les questions de santé, lui aurait donné son « accord oral pour travailler sur le refus de soin » et François Hollande s’engagerait à supprimer le droit d’entrée à l’AME. Des élus locaux de tous bords, comme le maire (UMP) de Marseille Jean-Claude Gaudin, André Rossinot à Nancy (UMP), Bertrand Delanoe (PS) à Paris, plutôt favorables aux « salles de shoot », ébranlent aussi les lignes. « Mais au-delà du financement de la sécurité sociale, le débat santé peine à émerger dans les discours des candidats à la présidentielle », reconnaît Olivier Bernard.
À l’AP-HM, dans l’attente du procès d’un psychiatre accusé de viols
Le texte sur la fin de vie examiné à l'Assemblée à partir de fin janvier
Soumission chimique : l’Ordre des médecins réclame un meilleur remboursement des tests et des analyses de dépistage
Dans les coulisses d'un navire de l'ONG Mercy Ships