Avastin : la RTU dès le 1er septembre, le Dr Pigement dénonce un Yalta entre Roche et Novartis

Publié le 26/06/2015

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L’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM) a annoncé que la recommandation temporaire d’utilisation (RTU) de l’Avastin (bévacizumab), pour traiter la forme néovasculaire de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), entrerait en vigueur à compter du 1er septembre 2015, et pour une durée de 3 ans « renouvelable, notamment en fonction des données d’efficacité et de sécurité qui seront issues du suivi des patients », indique l’agence.

Fin avril 2015, l’agence a transmis à Roche le projet de protocole de suivi des patients pour la mise en place de cette RTU. En début de semaine, Roche a rétorqué qu’il ne pouvait « assumer la responsabilité de la mise en place et du suivi » d’un usage d’Avastin dans la DMLA. Le laboratoire a notamment mis en garde contre des possibles risques d’infection : « la forme pharmaceutique actuelle d’Avastin n’est pas adaptée à une administration intravitréenne. Cette solution ne contient pas de conservateur et un reconditionnement comporte, entre autres, un risque de contamination bactérienne, notamment en l’absence de conservateur ».

C’est malgré cette opposition que l’ANSM a annoncé la mise en œuvre de la RTU pour septembre, en précisant que « selon les dispositions du Code de la santé publique, la mise en oeuvre d’une RTU et le suivi des patients inclus dans ce dispositif incombent au titulaire de l’autorisation de mise sur le marché ».

Mauvaise foi et hypocrisie

Le Dr Claude Pigement, vice président de l’ANSM, qualifie le laboratoire de « très mauvaise foi et de très hypocrite » dans ses arguments. « Au départ il y avait des réserves concernant la sécurité du produit, de la part de certains experts, de l’ANSM, justement c’est pour ça qu’il y a eu ce travail très approfondi de la commission d’évaluation, explique le Dr Pigement. Mais il y a eu beaucoup d’études sur le sujet, que la commission a examiné, et c’est à la connaissance de ces études que nous sommes arrivés à la conclusion, à l’unanimité, que les bénéfices/risques étaient équivalents. Vous pensez bien que ce n’est pas une lubie de l’Agence du médicament qui s’est dit : tiens on va faire un joli coup et on va faire faire des économies à l’assurance-maladie ».

Le vice-président de l’ANSM met en avant le sérieux du protocole de RTU : « Les RTU sont extrêmement encadrées, il y a un centre de pharmacovigilance à Lyon qui va suivre tout ça. Le processus est très prudent, l’Avastin ne pourra être prescrit qu’en milieu hospitalier. Après, selon les résultats, on décidera ou non de passer en ville. On sait que c’est quand ça arrivera en ville que les économies seront majeures. »

Face aux déclarations de Roche, qui prône ne pas avoir la compétence pour mener un suivi des patients dans le domaine ophtalmologique, le Dr Pigement ne voit qu’un argumentaire économique : « C’est une sorte de Yalta entre Roche et Novartis... Roche joue la mauvaise foi pour ne pas empiéter sur le territoire de Novartis à travers Lucentis. Pour moi les choses sont claires, c’est des jeux de pouvoir et des intérêts financiers. »

À l’annonce de la mise en œuvre de cette RTU en septembre, le laboratoire a prévenu qu’il « utilisera toute voie de droit qui lui est ouverte pour faire valoir sa position ».

Clémentine Wallace

Source : lequotidiendumedecin.fr