Après les vœux en forme de discours programme du chef de l'Etat, les acteurs du secteur restaient sur leur faim ce vendredi ou affichaient leur inquiétude. Les libéraux se montrent particulièrement déçus après un discours jugé trop centré sur l'hôpital.
Dr Sophie Bauer (SML) : « Un discours hospitalo centré »
« Emmanuel Macron méconnaît la médecine de ville ou est mal conseillé. Son discours est totalement hospitalo-centré ! Il ne parle que de forfaits et de délégation des actes cliniques alors que les médecins réclament un choc de simplification administrative. Alors que des milliers de médecins libéraux ont manifesté pour réclamer la revalorisation de la consultation, ce n'est pas 10 000 assistants médicaux subventionnés qui vont améliorer les conditions d'exercice. Quant à la fin de la T2A, il est hors de question que les chirurgiens libéraux ne soient pas payés à l'acte. Ils n'accepteront aucune usine à gaz qui aboutira au paiement à l'épisode de soins. Tout ce système a échoué à l'étranger et abouti à la sélection des patients. »
Dr Corinne Le Sauder (FMF) : « Il n'écoute pas la base »
« La messe est dite. Son discours est hallucinant et hors sol. Il n'écoute pas la base. Le chef de l'État parle d'un pacte de droits et de devoirs pour la médecine de ville. Mais dans ses vœux il n'y a rien de nouveau, si ce n'est qu'il veut nous rémunérer à la mission, c’est-à-dire par forfaits. Tout sera payé différemment en fonction des territoires mais on ne sait pas comment. À mon avis, il va y avoir beaucoup de médecins qui vont déplaquer ou déconventionner. »
Dr Jérôme Marty (UMFL-S) : « Une insulte »
« C'est un discours lunaire. Ce que j'ai entendu est un système en ruines sur lequel on a plaqué quelques mesures sans réforme systémique. Au moment où il y a un mouvement de médecins qui s'élève pour défendre le paiement à l'acte, le président prône plus de forfaits. À ces médecins, il promet de mieux les payer… s'ils voient plus de patients. Pour dégager du temps médical, il veut faire faire le renouvellement d'ordonnances par les pharmaciens. C'est une insulte vis-à-vis des généralistes. Une ordonnance ne se renouvelle pas mais se réévalue. Par contre, pendant tout le discours, je n'ai pas entendu un seul passage sur l'attractivité des métiers. »
Dr Agnès Giannotti (MG France) : « des signaux négatifs »
« Nous sommes très pessimistes et inquiets. Nous avons l'impression que nos demandes centrales n'ont pas été entendues, comme avoir plus de moyens pour les généralistes traitants. Alors que la profession va mal, en souffrance, nous ne percevons que de nouvelles contraintes comme la permanence des soins. Il y a plusieurs signaux négatifs envoyés comme la mise en place d'équipe traitante à la place du médecin traitant, la suppression du plafond de 20 % des téléconsultations. Je pense que les généralistes vont être très déçus par cette allocution. »
Dr Franck Devulder (CSMF) : « Nous attendons des actes »
« Je prends acte que le président annonce un pacte de droits et devoirs avec la médecine libérale en voulant concentrer les moyens sur ceux qui s'inscrivent dans une offre populationnelle. Il s'agit de s'engager dans la permanence des soins, de prendre davantage de nouveaux patients, d'assurer la formation des internes au cabinet. Mais je reste inquiet car, à plusieurs reprises, il est revenu sur le paiement à l'acte et, à aucun moment, il n'a parlé de rémunération à la qualité et à la pertinence des soins. Par ailleurs, la CSMF a été choquée par la volonté du président de faire sauter le plafond de 20 % des téléconsultations. Cela va créer un effet d'aubaine. Nous jugerons sur les actes. Si les moyens mis sur la table sont insuffisants pour les négociations conventionnelles, ce discours n'aura servi à rien ».
Dr Patrick Gasser (Avenir-Spé) : « Pas de réforme structurelle »
« C'est un discours hospitalo-centré, avec un élément structurant concernant la gouvernance formée par un tandem administratif et médical pour l'hopital. Cette solution devra se développer dans les établissements privés surtout quand on voit le développement de la financiarisation. Pour la ville, on ne voit pas de réforme structurelle. Le chef de l'État a évoqué de façon floue le paiement à l'acte. Pour nous, ce mode de paiement doit rester majoritaire avec une rémunération sur objectifs de santé publique, qui doit être la responsabilité populationnelle centrée sur l'accessibilité aux soins et la PDS. Reste à savoir comment la construire. Le président n'a pas abordé le modèle économique du cabinet libéral et la répartition des missions entre la ville et l'hôpital ».
Dr Jean-François Cibien (Action Praticiens Hôpital) : « Des mesures fortes »
« Emmanuel Macron a évoqué plusieurs mesures fortes. Sur les heures supplémentaires et les 35 heures, s’il parlait entre les lignes de la reconnaissance du temps de travail des soignants et des PH, je lui dis "enfin" et je le remercie. Sur la permanence des soins, la pénibilité semble enfin prise en compte. C’est important car nous devons partager cette charge. Cela ne doit pas toujours être les mêmes qui font ce que les autres ne peuvent pas faire. Sur la gouvernance, le tandem administratif et médical est une bonne chose. Mais à condition que le directeur « médical » de l’hôpital n’ait pas à passer par l’EHESP, sinon, on va en faire une hydre ! Je suis aussi favorable à la suppression de la T2A, mais il faut aller au bout de la démarche. Nous attendons que ces annonces soient suivies des faits, sinon, cela va être compliqué pour l’hôpital… »
Dr Anne Geffroy-Wernet (Snphare) : « Des rustines »
« Nous sommes un peu déçus. J’ai l’impression que l’on reste sur des rustines. Il faut donner envie aux gens de faire le métier du soin, de rester à l’hôpital. Son discours ne fait pas rêver, il n’y a pas de vision. Il a parlé de la pratique avancée. Je ne suis pas contre le principe, mais attention à ne disqualifier le métier de médecin. Quand on parle de primo-diagnostic ou de primo-prescription, c’est un travail de médecin ! Sur la permanence de soins, il n’a toujours pas défini qui fait quoi, que va faire le public et le privé. Enfin, sur l’organisation du temps de travail, c’est un vœu pieux. Les équipes sont déjà débordées par l’activité clinique, elles n’ont pas le temps de s’organiser ! Sur la gouvernance, le tandem administratif et médical est déjà en marche, le président de CME a déjà des prérogatives plus importantes qu’avant. Et attention à ce que chacun reste sur sa partie, un médecin n’est pas un économiste de la santé. »
Pr Sadek Beloucif (SNAM-HP) : « Un rééquilibrage de la gouvernance »
« Sur la question de la gouvernance des hôpitaux, on peut se féliciter de voir réapparaître le dialogue entre les médecins et les administratifs. Nicolas Sarkozy avait dit qu’il n'y avait qu’un seul patron à l’hôpital. Le président Macron a repris une annonce de 2018 qui va dans le sens d’une gouvernance mixte à l’hôpital, et donc d’un rééquilibrage de la gouvernance. »
Arnaud Robinet (Fédération hospitalière de France) : « Un discours ambitieux »
« C’est un discours ambitieux qui pose le bon diagnostic et n'a éludé aucun sujet. Plusieurs annonces fortes ont été faites. Le Président a entendu le besoin de former davantage de professionnels, de réviser les modalités de formation, de mieux partager les contraintes en matière de permanence des soins. Je salue son annonce de la revalorisation pérenne des gardes, astreintes et du travail de nuit à l'hôpital. La réforme du temps de travail sera utile, mais ne doit pas se faire à marche forcée, pour ne pas désorganiser l’hôpital. Sur la gouvernance, le tandem administratif/médical évoqué est déjà largement une réalité (...). Enfin, le message de responsabilisation des patients est utile, mais devra faire l'objet d'une mise en œuvre prudente, notamment sur la notion de recours abusif, pour éviter des renoncements aux soins. »
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