POUR BERTRAND FRAGONARD, la tâche la plus ardue commence. L’arbitre désigné pour combler le vide conventionnel a désormais achevé ses auditions réglementaires après avoir consulté séparément les syndicats médicaux représentatifs (la FMF a fermé le bal mercredi), l’assurance-maladie et les complémentaires santé. Le contact est par ailleurs régulier avec les ministères concernés (Santé et Budget), puisque le projet de règlement arbitral est soumis à l’approbation du gouvernement.
Au terme de ces entretiens bilatéraux, au cours desquels Bertrand Fragonard a surtout écouté et interrogé ses interlocuteurs, en se gardant d’indiquer les directions qu’ils souhaitait prendre, une question cruciale reste posée. Le règlement arbitral sera-t-il un texte a minima, qui se contente grosso modo de reproduire l’existant, et donc de geler les règles tarifaires et conventionnelles, ou au contraire un texte plus ambitieux, sur les honoraires d’abord, mais aussi sur la démographie médicale, la permanence des soins, les soins primaires, la télétransmission ou même le secteur optionnel ? Joint par « le Quotidien » en milieu de semaine, Bertrand Fragonard refuse de dévoiler ses intentions mais précise son état d’esprit et sa volonté de faire consensus. « Le premier cycle est terminé. J’ai pris acte des positions et des demandes des uns et des autres, maintenant je vais réfléchir. Il faut capitaliser sur tout ce qui m’a été dit et analyser ce qui émerge afin d’élaborer d’un texte cohérent d’ici au 15 avril. Je n’exclus pas de procéder à un autre tour de table. » Mais lorsqu’on l’interroge sur la teneur et la consistance de ce futur règlement arbitral, la réponse fuse, ironique mais révélatrice : « Tout dépend ce je mets dedans ! Je peux reconduire la convention ou la refaire. La marge est importante. »
Test .
En janvier, Roselyne Bachelot avait exprimé clairement sa vision des choses. Le règlement arbitral devra être le plus neutre possible, avait-elle expliqué en substance (« le Quotidien » du 11 janvier), renvoyant les discussions tarifaires aux prochaines négociations conventionnelles, après les élections professionnelles aux URPS. « Je pense que ce ne sera pas [le règlement arbitral] le lieu ni le moment de discussions tarifaires approfondies » avait-elle ajouté au risque de doucher les espoirs de revalorisation de la profession. En réalité, si le règlement arbitral ne peut pas supprimer ou créer de nouveaux actes dans le cadre de la nomenclature, il peut modifier la tarification. Mais selon nos informations, le ministère de la Santé campe sur la ligne d’un règlement arbitral « conservateur » , dès lors que des élections professionnelles sont programmées en 2010, avant la négociation (sans doute à l’automne) d’une nouvelle convention pour cinq ans. Cette hypothèse signifie de longs mois de gel tarifaire…
Les représentants des médecins libéraux ont évidemment une tout autre approche du règlement arbitral. Même si l’arbitre est supposé indépendant, la CSMF (Confédération des syndicats médicaux français) considère que le contenu de son texte sera un « test » de la volonté du gouvernement de pacifier ses relations avec les médecins et de conserver le partenariat contractuel. Pour le Dr Michel Chassang, le règlement arbitral « n’a pas vocation à se limiter à la simple reconduction, a fortiori a minima, de la convention précédente ». C’est pourquoi ce syndicat a réclamé avec force que le règlement « solde » la convention de 2005 en prévoyant l’application immédiate du C à 23 euros et de la visite à 33 euros, l’assouplissement des règles de cotation du C2 consultant et la mise en uvre de la dernière tranche de la CCAM (classification commune des actes médicaux) technique « sans acte perdant ». La CSMF a annoncé qu’elle demanderait aux médecins généralistes d’appliquer unilatéralement le C à 23 euros à compter de mi-avril si cette mesure n’est pas inscrite noir sur blanc dans le règlement arbitral. A MG-France, le Dr Claude Leicher estime lui aussi que « Bertrand Fragonard a des marges de manuvre importantes car il peut affecter tout ou partie de la hausse de l’ONDAM [objectif national des dépenses d’assurance-maladie] à la revalorisation de la médecine générale ». Le syndicat a notamment demandé l’application du CS pour les spécialistes de médecine générale, le droit à la MPC clinicien, l’extension du forfait médecin traitant, un forfait « structure » pour favoriser l’exercice regroupé ou encore la revalorisation de l’activité de régulation libérale. Le SML et la FMF n’ont pas non plus été avares de doléances.
Davantage de bonus dans les déserts ?
Il n’y a pas que les tarifs. Plusieurs dossiers peuvent être « travaillés » dans le cadre du règlement arbitral. Mais là encore, le ministère de la Santé souhaite avancer prudemment. La permanence des soins ? Elle est tombée presque totalement dans le giron des futures ARS, difficile donc de changer les règles du jeu (la question des astreintes dans les cliniques se pose néanmoins). La démographie ? Le règlement arbitral devrait se contenter de revoir l’avenant 20 : ce texte donne la possibilité aux médecins de percevoir un bonus de 20 % sur leurs honoraires en zone déficitaire mais sous condition stricte de regroupement dans les mêmes locaux. Du coup, le dispositif n’a concerné que quelques centaines de médecins. L’idée serait d’étendre la portée de cette aide. La télétransmission ? Même si la CNAM et les syndicats ne sont pas sur la même longueur d’ondes, le règlement arbitral ne pourra faire l’impasse sur ce chapitre (aides et sanctions).
Reste le secteur optionnel. Pour entrer en vigueur, le protocole du 15 octobre doit trouver une traduction conventionnelle. Dès le règlement arbitral ? La question n’est pas tranchée par l’arbitre. Le sujet est « lourd politiquement mais la porte n’est pas fermée », juge-t-on au ministère.
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