Dans les territoires, les élus locaux pas tendres avec les agences    

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Publié le 02/06/2020
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Les ARS éloignées du terrain ? Certains maires ruraux le pensent

Les ARS éloignées du terrain ? Certains maires ruraux le pensent
Crédit photo : PHANIE

Trop « distantes », « bureaucratiques », trop « normées »… Le bilan des ARS a été jugé sévèrement par des élus locaux, réunis lors d'une table ronde organisée par la délégation aux collectivités territoriales du Sénat.

« Les ARS ne sont pas adaptées à la gestion de l'urgence, on l'a vu par exemple sur les masques. Il y a eu une incapacité à gérer les flux logistiques et à faire remonter l'information et nous avons dû nous y substituer », attaque, amer, le député Jean-Louis Thiériot (LR, Seine-et-Marne). « Il y a une opacité dans les décisions des agences, qui a rendu difficile le rôle des maires dans les zones très touchées pendant la crise », renchérit Dominique Dhumeaux, maire sans étiquette de Fercé-sur-Sarthe et vice-président de l'Association des maires ruraux de France.

Président du conseil départemental du Bas-Rhin, zone durement frappée par la crise, Frédéric Bierry (LR) pointe un périmètre « trop grand pour être agile » et une méconnaissance des réalités territoriales fines. « Parfois l'ARS n'était même pas au courant du nombre de décès dans les EHPAD du département ! », déplore l'élu.

Rôle des préfets

Dans ce contexte, certains élus plaident pour une décentralisation plus nette des questions de santé (et non pas seulement une déconcentration), au bénéfice notamment des départements ou des collectivités. « La politique de santé d'un territoire ne peut être gérée par une agence administrative. Les collectivités locales sont plus à même de comprendre les besoins », estime Jean-Louis Thiériot. Les élus à l'échelle du département pourraient intervenir sur la carte hospitalière, les coopérations avec la médecine de ville et assumer le « chef de filât » sur le médico-social et le médical.

« Il faut organiser la santé à partir du territoire en lien avec les communes, les intercommunalités et les services déconcentrés de l'État. Le préfet doit d'ailleurs reprendre la main sur les ARS, complète Frédéric Bierry (LR). Contrairement aux administrations, les élus sont responsables devant leurs concitoyens, qui savent bien nous le rappeler. »

Innover à l'échelon local

Quant aux maires ruraux, beaucoup souhaiteraient au minimum être intégrés au sein des ARS afin d'y apporter leur expertise de terrain. « Actuellement, seuls les élus qui ont un CHU sur leur commune sont écoutés. Notre présence permettrait aux agences d'être un vrai outil de santé publique et de ne pas laisser en souffrance des départements sur l'accès aux soins », soutient Dominique Dhumeaux.

Ces griefs sur l'éloignement des ARS font écho aux analyses de certains experts. « Il faut qu'à l'échelon local on ait davantage la possibilité de gérer, de recruter, d'innover et cela ne sera possible que si on a une autonomie politique et financière, juge Jean de Kervasdoué, économiste de la santé. On en est loin aujourd'hui, car on ne peut pas innover hors des statuts ou des cadres existants. Faire entrer un acte dans la nomenclature prend au moins cinq ans… »

Frédéric Pierru, sociologue et chercheur au CNRS, estime que si l'on veut transformer les ARS « c'est tout le cadre de la loi HPST qu'il faudra réformer ». « Soit on leur accorde un vrai pouvoir de décision, avec de vrais moyens financiers, humains et décisionnels pour l'échelon le plus local, soit on crée des structures comme les "primary care trusts" anglais qui gèrent la médecine de ville, l'hôpital et le médico-social sur un bassin de 60 000 habitants », expose l'universitaire. Il appelle plutôt à trouver un « échelon praticable de proximité » en associant étroitement les élus locaux.

M.F

Source : Le Quotidien du médecin