LE MINISTÈRE DE LA SANTÉ, s’estimant de plus en plus sollicité par des patients ayant subi, au cours d’un acte à visée esthétique, des complications « aux séquelles parfois définitives », a décidé voici environ un an, de mettre en place un groupe de travail « pour définir le champ couvert par les actes à visée esthétique ». Les travaux de ce groupe, coordonnés par la direction générale de la Santé (DGS), ont donné lieu à un rapport qui n’est toujours pas encore paru officiellement, mais qui n’en fait pas moins déjà grand bruit. « À ce jour, peut-on lire dans son introduction, la plupart des techniques et des produits utilisés en esthétique ne font l’objet d’aucune description précise et fiable. Le ministère de la Santé ne dispose d’aucun recensement des pratiques utilisées dans les actes à visée esthétique, puisqu’il ne s’agit pas de soins au titre de traitement de maladies mais seulement de soins au titre du bien-être ».
Et voilà le problème posé. En effet, pour les auteurs du rapport, si « la légitimité et l’utilité de la discipline de la chirurgie plastique, reconstructive et esthétique ne sont pas contestées », si « l’exercice est bien codifié et encadré par les décrets, et réservé aux seuls chirurgiens qualifiés en chirurgie plastique
reconstructive et esthétique (CPRE) », il n’en va pas de même pour les généralistes exerçant une activité de médecine esthétique. A leur sujet, note le rapport, « il n’y a pas de cursus universitaire spécialisé en médecine esthétique reconnu sur le plan national ». Il existe bien plusieurs diplômes universitaires ou interuniversitaires, mais dont les programmes « sont très variables : L’examen de ces formations montre que certaines techniques enseignées ne sont pas scientifiquement validées, voire sont parfois dangereuses pour l’usager ».
Réformer pour sécuriser.
Le rapport propose donc ni plus ni moins « une réforme ayant pour objectif d’assurer la sécurité et la qualité » de ces techniques, partant du principe que « dans la mesure où les usagers de ces pratiques ne sont pas des malades, aucun risque n’est tolérable ». Sur ce point précis, les auteurs ne mâchent pas leurs mots : « Ces techniques sont actuellement directement appliquées sans avoir préalablement fait l’objet d’études cliniques visant à établir leur sécurité et leur efficacité. Elles échappent, par ailleurs, à toutes les règles de vigilance habituellement appliquées dans le domaine du soin. Elles sont ainsi largement diffusées, tant auprès du public qu’auprès des professionnels, en étant présentées comme scientifiquement validées, ce qui est presque toujours faux ».
Le rapport fait en conséquence un certain nombre de propositions, comme interdire les actes à visée esthétique « présentant un danger pour la personne » ; réserver ces actes à des « professionnels prévus par l’encadrement juridique ». Pour les médecins qui exercent dans ce champ de la médecine esthétique, le rapport préconise de leur faire suivre une formation complémentaire dont la maquette sera établie par le ministère de la Santé. Mais l’Ordre des médecins n’est pas oublié, à qui le rapport suggère de mieux utiliser ses prérogatives pour suspendre l’activité des médecins pratiquant des actes à visée esthétique « sans respecter les exigences de sécurité et de qualité des pratiques, comme pour un soin classique ».
Ce dernier point fait réagir l’Ordre. Le Dr Xavier Deau, président de la section formation et compétences médicales du CNOM, rappelle que « l’Ordre ne peut agir que sur plainte et ne fait pas de publicité sur les condamnations qu’il prononce ». Mais plus généralement, l’Ordre se retrouve dans ce rapport (voir encadré). Il n’en va pas de même pour le syndicat national des médecins esthétiques (SNME), dont le vice-président, le Dr Charles Gadreau, est par ailleurs président du Collège de médecine esthétique, qui dispense depuis quinze ans un enseignement à destination des médecins généralistes validé par un diplôme. Pour Charles Gadreau, si les dysfonctionnements pointés par le rapport existent bel et bien, ils donnent lieu « à moins de complications que dans d’autres activités médicales ou chirurgicales. Tout le monde parle de ces dysfonctionnements, mais les statistiques des assureurs montrent qu’ils sont très marginaux ». Plus généralement, le Dr Gadreau note avec ironie que « ces techniques soi-disant décriées de médecine esthétique sont largement utilisées par les chirurgiens esthétiques. Il faudra m’expliquer pourquoi elles ne sont dangereuses que quand elles sont mises en uvre par un généraliste ». Et il regrette que l’Ordre des médecins soit dans cette affaire plus du côté des chirurgiens que des généralistes.
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