La « torture » selon Anders Breivik

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Publié le 17/05/2016
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Le tueur de masse Anders Breivik, qui a abattu 77 personnes sur l’île d’Utoya et à Oslo en 2011, a attaqué l’État norvégien, estimant que son traitement est « inhumain » et « dégradant », protestant même qu’il est victime de « torture » et qu’il vit un « enfer » depuis cinq ans.

Et il a obtenu gain de cause en première instance, le mois dernier, faisant condamner l’État norvégien pour violation des droits de l’homme.

Pourtant, il dispose de trois cellules, une pour vivre, une autre pour étudier et une dernière pour pratiquer la musculation, il jouit d’un ordinateur sans accès à Internet, d’une télévision avec lecteur DVD et d’une console de jeux. Dans une lettre à l'AFP, il se plaint de n’avoir droit qu’à des jeux d’enfants. Surtout, il dénonce le régime d’isolement qui lui est imposé : il n’est pas autorisé à correspondre avec des sympathisants et l’unique visite non-professionnelle qu’il a pu recevoir a été a été celle de sa mère, qu’il a pu voir environ cinq minutes, peu avant qu’elle ne meure d’un cancer.

Derrière des parois de verre

Breivik n’est pas surveillé par des caméras, car ses cellules sont équipées de parois vitrées permettant au personnel pénitentiaire et médical de contrôler ses activités. Le Dr Randi Rosenqvist, la psychiatre qui est chargée de son suivi a assuré lors du procès qu’il ne présentait « aucun signe de séquelles liées à l’isolement et aucune altération grave de sa condition physique ou mentale. Son état émotionnel, sa façon d’interagir avec le personnel médical sont tout à fait adéquats. Il a une attitude calme et équilibrée. Ses raisonnements sont clairs. »

Mais l’extrémiste se plaint d’être gagné par l’apathie, d’avoir des maux de tête, de souffrir d’insomnies et de troubles de la concentration. C’est donc contre l’avis médical que ses plaintes ont été entendues. « Que le tribunal tranche en faveur de Breivik est le signe que nous avons un système judiciaire qui respecte les droits de l’homme même dans des conditions extrêmes », a tweeté l’un des rescapés d’Utoya.

Une telle condamnation serait-elle possible en France ? « Pourrions-nous qualifier pareil traitement de torture ?, se demande le Dr Michel David, psychiatre en milieu pénitentiaire. Certes, il jouit d’un confort matériel indéniable, mais il est soumis à un isolement total, peut-être avec des réveils qui peuvent être fréquents. La condamnation de l’État norvégien ne semble donc pas abusive. »

« Toute incarcération cause un traumatisme considérable, renchérit le Pr Lejoyeux. Dans le cas Breivik, l’évaluation de la sévérité des conditions de détention relève des droits de l’homme et de la politique tout court. Le diagnostic psychiatrique n’intervient pas et il ne faudrait pas qu’il soit instrumentalisé comme une roue de secours du système pénitentiaire. »


Source : Le Quotidien du médecin: 9496