La France est en état d’addiction aux pesticides et jamais à court de contradiction. Alors que le Plan Ecophyto lancé en 2008 commandait une baisse de 50 % des pesticides d’ici à 2018, l’usage des produits phytosanitaires a au contraire augmenté de 22 % !
L’hexagone est ainsi le 1er consommateur européen de produits phytopharmaceutiques (pesticides, herbicides, fongicides). Collectivités et particuliers pèsent pour 10 % de la consommation de ces substances nocives. Mais un pas important a cependant été fait en 2015 avec la Loi Labbé (sénateur écologiste), qui leur interdit progressivement, à partir de 2017 et 2019, l’usage des pesticides.
Qu'en est-il pour les 90 % restants ? La désintoxication de l'agriculture française, dépendante du tout chimique, préjudiciable à l’homme et aux écosystèmes est nécessaire et urgente. Ne réitérons pas les erreurs déjà commises dans nos territoires d'Outre-Mer, au détriment des populations et de l’environnement, où l’on a attendu la catastrophe pour agir. L’utilisation incontrôlée pendant des années du Chlordécone, pesticide visant à lutter contre les charançons dans les bananeraies et classé comme « cancérogène probable pour l’homme », serait à l’origine d’un taux record de cancer de la prostate. Agissant également comme perturbateur du système endocrinien, il aurait provoqué des pubertés précoces chez des petites filles de 6 à 8 mois et serait aussi responsable du raccourcissement de la durée de gestation [1].
Un plan ambitieux
Citoyens et citoyennes réclament une agriculture responsable, une alimentation saine et durable et une meilleure information sur les filières de l’agro-alimentaire ainsi que le contenu de leurs assiettes. Le plan pesticides présenté le 25 avril par Nicolas Hulot, ministre de la Transition Écologique et Solidaire, Stéphane Travert, ministre de l’Agriculture, Frédérique Vidal, ministre de la Recherche et Agnès Buzyn, ministre de la Santé, était en cela porteur de bonnes intentions. L’analyse de l’impact des effets cocktails et le renforcement de la recherche publique pour informer le grand public à propos de la nocivité des pesticides est un minimum ; le plan érige en priorité la révision des critères d'évaluation au niveau européen.
Cette révision, comme l'a montré l'épisode du glyphosate et des Monsanto Papers est indispensable, tant les process ne garantissent pas l’indépendance de la décision, mais, au contraire, la rendent perméable aux conflits d’intérêts. Le combat de Paul François, agriculteur victime d’une intoxication en 2004 et Président de Phytovictimes, rejoint par d’autres témoignages (films de Marie-Monique Robin -le Round Up face à ses juges) en fait la sombre démonstration.
2018 doit être l’année de la sortie du tout chimique
L’ambition de ce plan vient d’être brutalement douchée par l’abandon de l’interdiction du Glyphosate, dans le cadre des débats de la Loi sur l’Agriculture et Alimentation à l’Assemblée Nationale. L’interdiction du glyphosate était pourtant une promesse présidentielle, formulée par Emmanuel Macron en novembre dernier alors que l’Union Européenne venait de renouveler pour 5 ans ce produit dangereux.
Le Ministre de l’Agriculture affirme qu’il n’est pas nécessaire d’en passer par la loi pour interdire le glyphosate d’ici 3 ans. Il compte sur la bonne volonté du marché de l’agro-chimie, lequel n’a cessé de démontrer en quoi la santé publique et la sauvegarde de l’environnement sont, pour lui, des enjeux secondaires au regard des profits colossaux engrangés. Monsieur Travert subordonne l’arrêt du glyphosate à la découverte ou l’élaboration d’une miraculeuse « autre molécule », laquelle, comme par magie, serait moins nocive que le glyphosate, produit cancérogène dont la nocivité a pourtant été démontrée.
La loi agriculture est en passe de rater son tournant vers une agriculture plus durable et une alimentation plus saine. J’appelle donc le gouvernement à prendre d’urgence ses responsabilités. Les enjeux de notre siècle imposent des décisions fortes pour contrer l’érosion de la biodiversité et les maladies environnementales. 2018 doit impérativement être l’année de la sortie du tout chimique.
[1] Etude Timoun co-réalisée par l’INSERM sur 1068 femmes enceintes entre 2004 et 2007 en Guadeloupe
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