Les syndicats : pas touche à notre champ d'action

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Publié le 06/02/2020
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

L’Ordre se mêle de politique de santé et même de politique tout court, comme s’il était un syndicat professionnel, accuse le rapport. Sans remonter au temps des prises de position anti-IVG – elles avaient conduit le candidat François Mitterrand à inscrire la dissolution de l’Ordre parmi ses 110 propositions – la Cour rappelle, entre autres, l’ « intense lobbying » ordinal contre la loi dite Touraine, sa protestation contre le tiers-payant et, en 2019, ses actions autour du projet de loi relatif à la transformation du système de santé. Or, selon la Cour, l’Ordre n’est pas légitime dans de telles initiatives, car elles relèvent de la confusion des genres, une confusion que la Cour juge illégale et préjudiciable à son image et à ses missions.

« Nous partageons cette observation, déclare le Dr Jacques Battistoni, président de MG France, qui rappelle « la séparation des rôles inscrite dans les textes : à l’Ordre de veiller à la déontologie, à l’inscription, au contrôle des compétences et de la santé des médecins, à nous, syndicats, la défense de la profession médicale par nos revendications et nos propositions. Quand l’Ordre s’immisce sur nos sujets, par exemple quand il prend l’initiative de convoquer des états généraux sur la santé, il est hors-jeu, il fait du syndicalisme et de la politique à notre place et il prête naturellement le flanc à la critique ».

Une critique plus ou moins acerbe selon les syndicats. « Avec un pactole de 84 millions tirés de nos cotisations obligatoires, c’est facile de se la jouer sur le terrain syndical et de financer des grandes opérations de com’ qui n’ont rien à voir avec leur boulot, alors qu’ils n’assurent pas sur l’éthique et la déontologie, tonne, très remonté, le Dr Philippe Vermesch, président du SML. Beaucoup de médecins en ont marre de payer des cotisations pour se faire emmerder par des donneurs véreux de leçon de morale. Tout ça finira par leur péter à la gueule. »

En finir avec le vieux monde médical.

Président du Syndicats national des jeunes méecins généralistes (SNJMG) -à gauche dans l'échiquier syndical- le Dr Benoit Blaes n’est pas en reste, qui propose carrément « le démantèlement complet de l’Ordre » et sa mise en conformité avec la loi. Il note que « les dérives syndicales de l’Ordre s’assortissent de ses positions timorées en matière d’éthique, de ses liens avec l’industrie, de son manque de suivi aussi bien pour les plaintes que pour l’évaluation des compétences. L’Ordre, c’est le vieux monde médical, il faut qu’il change et rapidement ! »

Moins véhément, mais non moins catégorique, le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, le principal syndicat des médecins libéraux, « regrette les dérives inappropriées de l’Ordre qui sort de ses missions légales pour s’aventurer sur le terrain syndical, comme le président Bouet le reconnaît lui-même en off. Je m’interroge sur les grandes opérations de com’ et de prestige sur que l’Ordre finance de manière phénoménale avec nos cotisations, alors que je n’entends pas sa parole sur les grands questionnements éthiques que posent des sujets comme l’intelligence artificielle en médecine, la recherche sur l’embryon, la génomique ou la biogénétique. Un recentrage s’impose autour des missions légales ».

Attention de ne pas trop tirer sur l’Ordre.

« Certes, nos territoires se chevauchent, convient le Dr Jean-Paul Hamon (FMF), mais, c’est vrai, l’Ordre se doit de rectifier le tir et d’arrêter de jouer la carte syndicale. Il a des progrès à faire et le Dr Bouet est certainement l’homme de la situation pour y veiller. Attention de ne pas trop tirer sur l’Ordre, sous peine de décrédibiliser la profession. Des institutions sont bien plus sujettes à critique que le CNOM. Regardez l’Assemblée nationale et son président qui est sous observation judiciaire ! »

Deux leaders syndicaux se montrent toutefois plutôt partisans des initiatives ordinales qui s’immiscent dans la défense syndicale : le Dr Jérôme Marty (UFML) tout en affirmant qu’« il y a aujourd’hui nécessité de nettoyer les écuries d’Augias », approuve le CNOM quand il se mobilise contre la loi Touraine, ou d’autres sujets à résonance politique : « les syndicats se bouffent le plus souvent le nez entre eux et il est bon que l’Ordre puisse intervenir au-dessus de la mêlée pour faire entendre une parole médicale forte et unanime. Voyez ce qui se passe chez les avocats, où l’Ordre a pris les commandes de la contestation professionnelle au sujet de la réforme des retraites. C’est un bon exemple à suivre. »

Même analyse côté hospitaliers : « puisque les syndicats sont traités par le gouvernement comme des moutons noirs, ça ne me gêne pas de voir l’Ordre monter au créneau pour faire valoir nos intérêts professionnels, confie le Dr Rachel Bocher (IH). Arrêtons d’agiter le chiffon rouge contre lui. »

Ch. D.

Source : Le Quotidien du médecin