Remise à plat des lignes de gardes en Ile-de-France

Médecins et directeurs font bloc contre le projet de l’ARS

Publié le 13/09/2010
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SI L’INTENTION de Claude Evin était de relancer le débat sur la réorganisation des gardes, il a réussi son pari. Au-delà, peut-être même, de ses attentes. Car le coup de sonde de l’ARS a braqué le monde hospitalier. Jusqu’à resserrer les liens, distendus par la loi Bachelot, entre médecins et directeurs d’hôpitaux.

Vendredi dernier, cinq jours après l’article du « Parisien » qui a mis le feu aux poudres, réunion de crise au siège de la Fédération hospitalière d’Ile-de-France. Tous les hôpitaux de la région ou presque sont représentés. Autour de la table, présidents de CME (Commission médicale d’établissement) et directeurs dénoncent à l’unisson un projet qualifié de tous les noms. Irréaliste, dangereux, provocateur... « L’ARS a voulu taper très fort pour ajuster la barre ensuite », décrypte un syndicaliste. « L’idée de fusionner des hôpitaux pour faire des économies est dans l’air depuis longtemps. Mais là, l’ARS pousse le bouchon un peu loin », commente le Dr Sylvie Péron, vice-présidente de la Conférence des présidents de CME en Ile-de-France.

L’ARS a fait les comptes. La permanence des soins hospitalière en Ile-de-France coûte 144,67 millions d’euros par an. La « rationalisation » envisagée vise notamment à « optimiser la ressource médicale ». Ne seraient donc conservés qu’une garde H24 en imagerie et un seul bloc ouvert H24 par département. « Inimaginable de supprimer 30 lignes de gardes d’un coup », tranche ce directeur d’hôpital. Qui tient à son anonymat, « les relations avec l’agence étant tendues ».

Les postures évoluent néanmoins. « Sur la stomatologie et l’ORL, nous sommes en phase avec l’ARS qui propose une garde par département, reprend ce directeur. Mais en chirurgie et en imagerie, il faut être sérieux. On peut transformer des gardes en demies gardes, on peut organiser une garde entre hôpitaux proches, mais sur des territoires de maximum 500 000 habitants. Pas à l’échelle de départements de 1,5 million d’habitants. »

Pour illustrer le propos, le Dr Sylvie Péron prend l’exemple de son établissement, le centre hospitalier d’Argenteuil. Situé dans un bassin de vie de 400 000 habitants, son activité nocturne est, c’est vrai, inégale. Surtout après minuit : « Nous pouvons voir zéro patient une nuit, et deux patients la nuit suivante. L’ARS raisonne sur la base de moyenne, c’est un problème. Transférer les 2 000 urgences nocturnes d’Argenteuil et d’Eaubonne Montmorency vers l’hôpital de Pontoise créerait un gros embouteillage. Sans parler des frais d’ambulance et des frais d’astreinte chirurgicale, car il faudra bien qu’un chirurgien se déplace pour dire s’il faut opérer de suite ou transférer. L’imagerie pose aussi problème. Si seul Pontoise conserve la garde de nuit en imagerie, comment pourrons-nous poser le diagnostic des urgences médicales de nuit ? La télémédecine peut être envisagée pour le scanner, pas pour l’échographie, où la présence d’un médecin est obligatoire. Retirer la permanence des soins aux hôpitaux d’Argenteuil et Eaubonne Montmorency, c’est les rendre moins attractifs, c’est inciter les urgentistes et les radiologues à partir. Ce serait la fin de tout. » La solution préconisée par le Dr Péron ? Le maintien d’une garde en chirurgie et en imagerie sur le territoire d’Argenteuil et Eaubonne Montmorency. Là où il existe deux gardes aujourd’hui. « L’ARS nous pousse à agir. Nous sommes prêts à faire des efforts, dit-elle, mais nous refusons tout net son projet qui fait prendre des risques aux malades. »

La prochaine concertation sur ce dossier chaud aura lieu le 30 septembre à l’ARS. Les professionnels de santé ont trois semaines pour peaufiner un projet alternatif.

DELPHINE CHARDON

Source : Le Quotidien du Médecin: 8813