DE NOTRE CORRESPONDANT
INSTALLÉE à Strasbourg et disposant d’un juge par pays membre, soit actuellement 47 juges, la Cour peut être saisie par tout requérant, dès lors qu’il estime avoir été victime d’une violation de ses droits fondamentaux et qu’il a épuisé tous les recours existants dans son pays. La Convention européenne des droits de l’homme garantit notamment le droit à la vie (art. 2), le droit à la liberté et à la sûreté (art. 5), le droit au respect de la vie privée et familiale (art. 8) et interdit la torture et les traitements dégradants (art. 3). Ces principes priment sur les législations nationales et ont nourri une importante jurisprudence, qui touche tous les domaines de la vie publique des états membres, dont bien sûr les législations sanitaires et médicales, notamment en matière de bioéthique.
Ainsi, résume le jurisconsulte de la Cour, Vincent Berger, des affaires concernant la poursuite ou l’arrêt des soins chez des grands malades ont été abordées sous l’angle des articles 2 et 3 de la Convention, mais la Cour a toujours rejeté les requêtes réclamant un droit au suicide assisté ou à l’euthanasie. Elle a de même refusé le droit à l’insémination artificielle réclamé par une Britannique qui voulait utiliser le sperme de son ancien conjoint, contre la volonté de ce dernier. À l’inverse, elle a donné raison à une Polonaise à qui un avortement thérapeutique avait été refusé. La Cour s’est opposée catégoriquement à tout traitement médical administré contre la volonté d’un patient.
À l’origine d’améliorations.
Au-delà de ces cas dramatiques mais relativement rares, la Cour a eu à traiter de nombreuses affaires concernant des personnes malades privés de liberté, le plus souvent des prisonniers, ou des patients hospitalisés contre leur gré, surtout en psychiatrie. Elle a joué un rôle important dans l’amélioration des conditions de détention et des soins de santé apportés aux prisonniers. De même, elle a proscrit tout acte médical effectué sur un détenu contre son gré, par exemple l’administration forcée d’émétiques pour obtenir la preuve d’une ingestion de stupéfiants, mais aussi l’alimentation forcée. Le problème des délinquants malades, en particulier ceux atteints de sida, a fait lui aussi l’objet de plusieurs arrêts.
Parallèlement, la Cour a été saisie, notamment par des requérants belges et français, sur la légitimité des Ordres médicaux – qu’elle n’a pas remis en cause – ainsi que sur des problèmes de secret et de divulgation des données médicales à des tiers. Elle a été conduite à se prononcer sur des refus d’allocations de maladie ou de soins médicaux pour des raisons économiques, de même que sur des problèmes d’indemnisation.
Même si les questions de santé ne constituent qu’une part réduite de son activité, la Cour a contribué à rendre plus démocratique les législations sanitaires et sociales des pays européens ou parfois à les confirmer. Malheureusement, la Cour est actuellement engorgée par plus de 120 000 affaires pendantes, qu’il lui faudra des années pour résorber et qui l’empêchent de se consacrer à ses véritables missions, à savoir la mise en conformité de toutes les législations des pays membres avec les grands principes des droits de l’homme. En effet, plus de 95 % des affaires pendantes seront déclarées irrecevables, soit pour des vices de forme, soit pour non-épuisement des recours nationaux, soit parce que la Cour n’est pas compétente sur leur fond. En outre, près de la moitié des affaires recevables portent sur des sujets déjà jugés, par exemple le droit à un procès équitable et dans des délais raisonnables (art. 6) et répètent donc des arrêts existants, sans rien apporter de plus. À eux seuls, 4 pays, la Russie, la Turquie, l’Ukraine et la Roumanie, génèrent plus de la moitié des affaires pendantes, les pays le plus souvent condamnés étant, à ce jour, la Turquie, l’Italie, la Russie et la France.
Moins d’affaires.
Pour toutes ces raisons, les 47 États membres du Conseil de l’Europe viennent de lancer, à l’initiative de la Suisse, une vaste réforme de la Cour, destinée à en améliorer le fonctionnement et à réduire le nombre de requêtes inutiles ou irrecevables. Ils souhaitent améliorer les filtres d’accès à la Cour, encore trop souvent perçue, à tort, comme une super cour d’appel. À terme, la Cour devrait donc se concentrer sur des affaires moins nombreuses mais plus importantes, la priorité étant d’ailleurs donnée à celles qui concernent des individus faibles ou malades : « Se prononcer sur la requête déposée par une société multinationale, c’est bien, mais statuer sur les problèmes médicaux ou sociaux d’un patient âgé, qui en verra encore le résultat concret, c’est mieux », résume Vincent Berger.
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