« Les professionnels libéraux n’acceptent pas d’être sacrifiés pour justifier une réforme qui vise, en premier lieu, les régimes spéciaux, les régimes des fonctionnaires, les agents de la fonction territoriale et quelques autres », explique Michel Picon. Le président de l'Union nationale des professions libérales (UNAPL), qui réunissait son congrès ce vendredi, n'a pas mâché ses mots face à Jean-Paul Delevoye, en charge de la réforme des retraites. « Je le dis très clairement, le gouvernement devra trouver de bons arguments et avancer des garanties solides pour convaincre les professionnels libéraux qu’ils ont intérêt à rejoindre le régime universel. »
Au lendemain de la mobilisation interprofessionnelle très suivie contre la réforme des retraites, l'organisation patronale – qui fédère 68 syndicats des professions de la santé, du droit, du cadre de vie et technique – est revenue sur la colère des libéraux, illustrée par un sondage Harris Interractive*.
« Vol, spoliation… »
Plus de 70 % des professionnels libéraux se déclarent inquiets pour l'avenir de leur activité à l'issue de cette réforme (dont 27 % très inquiets). Ce niveau de malaise est particulièrement marqué au sein des professions de la santé (75 %) et du droit (85 %).
Interrogés sur leur perception du système universel en l'état, « des termes durs ont été utilisés comme “vol”, “spoliation” ou encore “marre de payer pour les autres”, termes qui reflètent leur sentiment », commente Jean-Daniel Lévy, directeur du département politique et opinion de l'institut de sondage.
Pourtant, les libéraux ne sont pas réfractaires au principe d'une réforme (53 %). Mais ils craignent massivement (94 %) de perdre les spécificités et avantages de leur régime autonome en cas d'intégration au système universel. Ainsi, deux libéraux sur trois (66 %) refusent clairement cette intégration. Et 82 % souhaitent le maintien de leurs caisses professionnelles de retraite (82 %) !
S'ils n'obtiennent pas gain de cause, 78 % des libéraux se disent prêts à se mobiliser (et même 81 % dans le seul secteur de la santé – médecins, paramédicaux). Le niveau de mobilisation est particulièrement élevé chez les nouveaux installés (84 %).
Engagements
Jean-Paul Delevoye a assuré ce vendredi comprendre les crispations. Alors que les libéraux exigent que la réforme soit limitée à un plafond de la Sécurité sociale (1 PASS, soit 40 000 euros de revenus), le haut-commissaire a néanmoins assumé la création d'un régime universel beaucoup plus large (jusqu'à 3 PASS, soit 120 000 euros). « Pourquoi ? Pour optimiser la solidarité du monde du travail », ajoute-t-il.
Sur la compensation financière (réduction de l’assiette de CSG) avec transfert du gain sur la cotisation retraite, Jean-Paul Delevoye se veut rassurant. « Pour 75 % des indépendants, il y aura peu de changement sur les charges et des évolutions positives sur les pensions », assure-t-il.
Et même pour la profession médicale « nous avons constaté dans nos simulations que la baisse des pensions évoluera moins vite que la baisse des cotisations », affirme le haut-commissaire. Bref, il n'y aurait pas lieu de s'inquiéter... Lors de la dernière réunion avec les médecins, les simulations de l'équipe Delevoye ont montré que la baisse estimée de la pension moyenne serait de 8,7 % en secteur I (avec des revenus d'environ 80 000 euros) – soit 44 600 euros pour le régime actuel mais seulement 40 731 euros avec le futur régime universel. La CARMF a des estimations nettement plus alarmistes.
Réserves protégées ?
Jean-Paul Delevoye se dit aussi « sensible » aux arguments évoqués sur la protection des réserves des différentes caisses de retraite (7 milliards d'euros pour celle des médecins). « Nous avons pris des engagements clairs. Les réserves appartiennent à ceux qui les ont constituées », affirme-t-il. « Ce point pourra être écrit dans la loi », avance même Laurent Pietraszewski, député LREM du Nord. Une annonce qui a soulevé quelques rires dans la salle. « Il faut amender votre projet même si c’est difficile quand ont à la foi du charbonnier comme vous l’avez », a ironisé Michel Picon.
Jean-Paul Delevoye a rappelé que les partenaires sociaux seraient reçus lundi prochain avec Agnès Buzyn. Edouard Philippe présentera mercredi prochain l'intégralité du projet du gouvernement.
* Sondage réalisé en ligne du 15 au 25 novembre auprès de 1 470 professionnels libéraux à partir d'un fichier fourni part l'UNAPL.
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