« C’EST UNE JOURNÉE un peu particulière. Je ne vais pas jusqu’à dire qu’on enterre le service public hospitalier mais c’est une journée triste. » La formule est de Rachel Bocher, présidente de l’INPH (Intersyndicat national des praticiens hospitaliers) qui, avec la CPH (Confédération des praticiens des hôpitaux), appelle les médecins de l’hôpital public à faire grève aujourd’hui en même temps que les personnels emmenés par la CGT, FO, SUD, la CFTC, la CFE-CGC (1).
À l’hôpital, la « tristesse » ambiante s’alimente à plusieurs sources. Il y a d’abord le fait que le parcours législatif de la réforme que ces sept syndicats combattent a franchi un cap important avec le vote par l’Assemblée du titre I, très peu amendé, de la loi HPST (Hôpital, patients, santé et territoires) - « C’est plié », se désole Patrick Pelloux, président de l’AMUF (association des médecins urgentistes de France). Il y a les budgets 2009 des établissements, qui s’annoncent plus que serrés - « Il ne se passe pas de jour où on ne nous appelle, à l’INPH, pour nous dire que, faute de moyens, « On n’y arrive pas » ou « On ne va pas y arriver » », rapporte le Dr Bocher tandis que Patrick Pelloux redoute de rapides « vagues de licenciements » qui vont « commencer par les statuts précaires, comme les attachés vacataires ».
« Du plomb dans l’aile ».
Enfin, il y a aussi le sentiment d’être victime d’une certaine forme de désinformation. Président de la CPH, le Dr Pierre Faraggi explique : « Nous avons assisté à une campagne quasi scélérate sur les dangers à se faire soigner à l’hôpital et sur le coût soit disant exorbitant de l’institution. » Sur ces thèmes, le sondage publié par « le Parisien » dans son édition du 4 mars a mis du baume au cur des hospitaliers. Les Français y saluent à 93 % la compétence du personnel des hôpitaux publics, s’y disent persuadés à 69 % que « demander aux hôpitaux publics d’être rentables financièrement risque de nuire à la qualité des soins » et y affirment à 58 % que non, l’hôpital public ne coûte pas trop cher.
Le Dr Faraggi fait sa lecture de cette enquête : « L’hôpital reste la maison ouverte 24 heures sur 24, il reste aussi le lieu où de grands professionnels font des choses extraordinaires. À ces deux dimensions, les Français sont très attachés. Or ils comprennent qu’elles risquent de prendre du plomb dans l’aile… » Plus expéditif, le Dr Pelloux tire cette conclusion : « Les résultats de ce sondage prouvent bien que la loi Bachelot est une erreur. »
La mobilisation de ce jeudi est d’abord régionale. Les modalités de la grève varieront localement (journée complète, débrayages d’une ou deux heures…) tout comme les cibles des manifestations (préfectures, ARH, DRASS OU DDASS). À Paris, un cortège partira à 10 h 30 de Sèvres-Babylone pour rallier la place Vauban en passant sous les fenêtres de Roselyne Bachelot. Quelle que soit la forme du mouvement, les hospitaliers entendent diffuser leur message aussi bien à l’intérieur des établissements qu’aux Français et… aux sénateurs qui s’empareront à leur tour en avril du projet de loi HPST. « Il s’agit d’un acte de responsabilité, commente Rachel Bocher. Les gens doivent savoir où on en est, comprendre que la réforme en préparation n’apporte aucune réponse aux problèmes de l’hôpital. » Pierre Faraggi renchérit : « Nous devons faire prendre conscience à tout le monde, y compris à nos parlementaires, que ce qu’on nous propose est totalement inadapté. »
Du côté des personnels, la CGT (premier syndicat à l’hôpital), n’y va pas par quatre chemins. « Rien n’est bon dans le projet de loi Bachelot », explique sa fédération santé. Accusant le gouvernement de vouloir « livrer la santé au marché », la CGT continue à demander le retrait pur et simple d’une loi HPST qu’elle ne juge « ni négociable, ni amendable ».
(1) Si l’on fait les comptes, deux organisations de médecins - la Coordination médicale hospitalière (CMH) et le Syndicat national des médecins des hôpitaux (SNAM) - et deux organisations de personnels - la CFDT et l’UNSA - ont choisi de ne pas s’associer à ce mouvement.
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