Le point de vue de Sarah El Haïry*

Une solution mutualiste pour répondre aux défis du vieillissement

Publié le 17/05/2018
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Crédit photo : AFP

La question de l’autonomie des personnes âgées est un défi important sur lequel nous ne devons plus faire l’impasse ! L’évolution démographique de ces dernières années et les projections pour les années à venir marquent l’entrée de la France dans les « pays en voie de vieillissement ». À l’horizon 2050, nous allons passer de 1,5 à 5 millions de personnes âgées de plus de 85 ans. Les progrès de la médecine, de la qualité de vie contribuent à augmenter l’espérance de vie : encore 7 ans supplémentaires en l’espace de 50 ans.

Ce vieillissement à deux conséquences très concrètes : les situations de perte d’autonomie se multiplient et les maladies neurodégénératives, comme celles d’Alzheimer ou de Parkinson, touchent de plus en plus de personnes dans la population. L’heure est venue de repenser la prise en charge de la dépendance dans notre pays et d’anticiper le poids croissant de la question de l’autonomie des personnes âgées dans nos politiques sociales durant les prochaines décennies.

Les méthodes et les dispositifs nous les connaissons : EHPAD, aide à domicile, foyer logement, etc. Et des innovations sociales et technologies voient le jour quotidiennement : garde mobile, foyer intergénérationnel, télémédecine, gérontechnologies. Nous devons accompagner et promouvoir cette innovation créatrice de richesses, d’emplois et surtout de solutions plus performantes socialement et économiquement.

Réfléchir à un mode de financement hybride

La question clé demeure : celle du financement. Seul un mode de financement hybride permettra de répondre aux enjeux du vieillissement et de la perte d’autonomie des personnes âgées. Il s’agit d’un financement partagé alliant solidarité nationale, comme c’est le cas aujourd’hui, et responsabilité individuelle. Aussi, le Gouvernement doit s’engager à accompagner de nouvelles sources de financement.

Renforcer le volet de solidarité nationale, cela signifie de simplifier l’imbroglio administratif entre les différents échelons – essentiellement l’État et les départements – qui peuvent être amenés à verser les prestations de solidarité. Force est de constater d’ailleurs que le montant de ces prestations est très est inégal en fonction des territoires et dans notre pays. Cette différence n’est pas acceptable ! Encore, le système actuel de calcul des aides (GIR) valorise davantage la situation de dépendance que celle visant à la prévenir.

À l’heure où la ministre des Solidarités et de la Santé souhaite faire de la prévention le fer de lance de nos politiques sociales, il est temps de mettre fin à ce cercle infernal. Pour accroître les moyens de financement de la solidarité, sans doute devrons-nous prochainement creuser certaines pistes comme une deuxième journée de solidarité ou encore un fléchage des recettes fiscales des successions vers le budget de l’État sur la dépendance.

Mutuelle obligatoire ou assurance incitative fiscalement

Mais cela ne sera pas totalement suffisant. Le second volet du financement doit reposer sur la responsabilité individuelle et les pistes d’une mutuelle obligatoire adossée à la complémentaire santé ou d'une assurance incitative fiscalement doivent pouvoir être expérimentées. Aujourd’hui, bon nombre de dispositifs fiscaux favorisent la transition énergétique, et de manière similaire, un accompagnement est possible pour préparer cette transition démographique en défiscalisant toute ou partie des cotisations par exemple.

Sans doute le système mutualiste est le plus adéquat afin de répondre aux défis de la prise en charge de la dépendance sans tomber dans les dérives spéculatives des fonds de pension que l’on peut connaître à l’étranger.

Soyons vigilants à ce que chacun puisse vivre ses dernières années de vie dans la dignité. L’une des principales préoccupations des personnes âgées est de vieillir chez elles, dans de bonnes conditions et avec un accompagnement adapté, individuel et évolutif. Nous devons tout faire pour leur permettre que soit respectée autant que possible leurs volontés d’aller ou non dans un EHPAD ou de rester chez elles. Sur ce sujet, les cris d’alerte des personnels des EHPAD sont légitimes et nous devons les entendre. Il est temps d’allouer à ces établissements les moyens financiers et humains leur permettant aux personnels d’effectuer leurs missions dans des conditions dignes tant pour eux que pour les personnes âgées hébergées.

Face au risque de la dépendance, personne n’est préparé ! La responsabilité de l’État est d’y répondre en proposant différentes solutions de prévention et d’accompagnement, de prévention et d’anticiper les évolutions futures en mettant en place un financement viable et équilibré. Un défi parallèle à celui de la dépendance est celui de la solitude et de l’isolement que notre société devra relever prochainement.

* Députée MoDem de Loire-Atlantique

Source : Le Quotidien du médecin: 9665