Aller plus loin en prévention secondaire

Après un AIT bien traité, le risque d'AVC persiste au moins 5 ans

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Publié le 17/05/2018
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accident ischémique transitoire

accident ischémique transitoire
Crédit photo : PHANIE

Dans quelle mesure un patient correctement pris en charge après un accident ischémique transitoire (AIT) est-il hors de danger de faire à long terme un accident vasculaire cérébral (AVC) ou un autre accident vasculaire grave ?

Un risque « résiduel » d'accident cardiovasculaire grave persiste de façon importante plusieurs années après, révèle le registre AIT (TIAregistry) qui a compilé le suivi de 3 847 patients pendant 5 ans. Cette étude internationale publiée dans « The New England Journal of Medicine » a été présentée le 16 mai au 4congrès européen de l'AVC (ESOC) à Guthenberg (Suède).

Jusque-là, après un AIT ou un infarctus cérébral mineur ne laissant pas de handicap, le risque de récidive d'accident cardiovasculaire à long terme était peu étudié. Le registre AIT estime à 6,4 % au cours de la première année et à 6,4 % entre la 2e et la 5année, le risque d'un nouvel accident grave (AVC handicapant, infarctus du myocarde IDM, décès d'origine vasculaire).

Le risque ne diminue pas avec le temps

Pour le Pr Pierre Amarenco, neurologue à l'hôpital Bichat (AP-HP) et coordonnateur de cette étude menée dans 42 centres de 21 pays : « La moitié de ces événements est survenue au cours de la première année de suivi, la moitié est survenue entre la 2e et la 5année, ce qui montre que la prévention de ces événements ne doit pas se concentrer que durant les premiers mois suivant l'AIT, mais doit être prolongée au moins 5 ans. La pente de ces événements reste constante au fil du temps, c'est-à-dire que le risque n'a pas tendance à s'atténuer ».

Parmi les 3 847 patients suivis pendant 5 ans, 469 ont eu un infarctus cérébral, un IDM ou sont décédés de problème vasculaire, ce qui correspond à un risque de 12,9 % (11,8-14,1 %). À 5 ans, le risque de récidive d'AVC était de 9,5 % (8,5-10,5 %), dont un peu moins de la moitié (43,2 %) sont survenus entre la 2e et la 5année.

En 2016 dans la même revue, le registre AIT avait rapporté un risque à un an chez 4 789 patients. Ici, sur les 61 centres inclus initialement (urgences, unités neurovasculaires, hôpitaux de jour spécialisés, clinique ambulatoire), 42 ont été sélectionnés pour avoir des données de suivi à 5 ans chez plus de 50 % des patients inclus, ce qui s'est traduit un suivi de 92,3 % en moyenne. Vingt et un pays d'Europe, d'Asie, du Japon et d'Amérique Latine ont participé : France, Espagne, Allemagne, Italie, Portugal, Irlande, Angleterre, République Tchèque, Slovaquie, Serbie, Liban, Israël, Inde, Chine, Taïwan, Corée du Sud, Thaïlande, Japon, Argentine et Mexique.

Malgré une prévention secondaire optimale

Dans l'analyse multivariée, les marqueurs prédictifs d'un risque plus élevé entre la 2e et la 5année étaient la présence d'une maladie athéroscléreuse, d'une cause embolique d'origine cardiaque (l'arythmie étant la plus fréquente), ou un score de risque élevé (le score mixant HTA, diabète, âge > 60 ans, durée épisode initial > 10 minutes, présence de paralysie ou de trouble de langage au cours de l'AIT).

« Ce résultat a été obtenu alors que tous les patients ont été traités de façon optimale, c'est-à-dire suivant les recommandations de traitement après un AVC », souligne le Pr Amarenco. Dans l'étude, un rétrécissement serré de l'artère carotide interne était traité par une chirurgie carotidienne, une arythmie cardiaque par des anticoagulants, et dans les autres cas un traitement antiplaquettaire mis en place.

« Pour tous, étaient prescrits un antihypertenseur et un hypolipémiant par statine », poursuit-il. Un traitement antidiabétique a été mis en place pour les 20 % de patients concernés, et l'arrêt définitif du tabac a été obtenu pour 65 % des 835 patients qui étaient fumeurs actifs à l'entrée de l'étude.

Pour le neurologue parisien, ce risque résiduel après mesures de prévention nécessite d'aller plus loin. « Dans les années à venir, il faut que nous développions des stratégies de prévention encore plus efficaces, estime-t-il. Il faut essayer de nouveaux médicaments encore plus forts sur le cholestérol ou les triglycérides, ou encore des mesures d'hygiène simples comme l'exercice physique régulier, par exemple 20 à 30 minutes de vélo d'appartement tous les matins avant la douche et la perte de poids. » Seulement deux cliniques d'AIT existent aujourd'hui en France, à Paris et à Toulouse, et « développer ce type de structures est une priorité de santé publique », estime le Pr Amarenco, qui a dirigé un groupe de travail à la DGOS. La publication du rapport est prévue dans les prochaines semaines, a-t-il annoncé. 

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin: 9665