Première scientifique : des chercheurs japonais ont permis la naissance de souriceaux à partir de deux mâles

Par
Publié le 16/03/2023
Article réservé aux abonnés

Crédit photo : K. Murakami et al, Nature

Une équipe de chercheurs japonais est parvenue à faire naître des souriceaux à partir de deux souris mâles et développés au sein de souris porteuses. Cet exploit scientifique est décrit dans la revue « Nature ».

En pratique, l'avancée réside dans le fait d'avoir réussi à générer des ovocytes à partir de cellules mâles. « Une étape importante dans la biologie de la reproduction », écrivent Jonathan Bayerl et Diana Laird du département des sciences de la reproduction de l'université de Californie à San Francisco, dans un commentaire associé.

Les chercheurs de l'université de Kyushu ont utilisé une approche visant à convertir des cellules souches de souris mâles, donc XY, en cellules XX, afin de produire des ovocytes fonctionnels. Des cellules de peau de la queue de souris mâles matures ont été prélevées, puis reprogrammées en cellules souches pluripotentes induites (cellules souches embryonnaires), qui ont été mises en culture. Les chercheurs ont exploité un phénomène d'aneuploïdie déjà connu : la répétition des cycles de division cellulaire a entraîné la perte du chromosome Y dans environ 6 % des cellules cultivées. Les cellules, dites XO, ainsi obtenues ont alors été traitées par de la réversine, une molécule interférant avec la division cellulaire, ce qui a favorisé la duplication du chromosome X. Il résulte donc de tout ce processus des cellules XX.

Sept embryons sur 630 implantés ont donné naissance à des souriceaux

Ces cellules XX ont ensuite été différenciées en cellules germinales primordiales, puis en ovocytes. À noter que les cellules XX ont été cultivées dans un environnement propice à leur différenciation (cellules fœtales ovariennes murines). « Les cellules souches pluripotentes euploïdes XX produites artificiellement se sont différenciées en ovocytes matures en culture avec une efficacité similaire à celle des cellules souches pluripotentes XX natives », précisent les auteurs.

Ces ovocytes ont pu ainsi être fécondés par des spermatozoïdes provenant d'un autre mâle et les embryons obtenus ont ensuite été implantés dans l'utérus d'une souris. « Bien qu'environ 30 % des cellules souches embryonnaires de souris converties soient devenues des ovocytes et que 40 % d'entre eux aient pu être fécondés, seuls 1 % des embryons transférés à une mère porteuse sont nés vivants, résument Jonathan Bayerl et Diana Laird. On ne sait toujours pas si les limites qui ont conduit à cette inefficacité sont d'ordre technique ou biologique. » Au total, sept embryons sur 630 implantés ont donné naissance à des souriceaux.

« Grâce à cette méthode, nous avons différencié des cellules souches pluripotentes induites provenant de la queue d'une souris mâle sexuellement mature en ovocytes pleinement actifs, qui ont donné naissance à une progéniture après la fécondation », s'enthousiasment les auteurs.

Vers une reproduction bipaternelle ?

Jonathan Bayerl et Diana Laird insistent sur le fait que « l'on ne sait pas encore si le protocole fonctionnerait avec des cellules souches humaines ». Ce qui n'empêche pas l'optimisme des chercheurs japonais. « Cette étude offre des perspectives qui pourraient améliorer la stérilité causée par des troubles des chromosomes sexuels ou autosomiques, et ouvre la possibilité d'une reproduction bipaternelle », avancent-ils, précisant qu'« une évaluation plus rigoureuse de l'effet de cette méthode sur l'intégrité du génome sera nécessaire pour les recherches et les applications futures ».

Autre perspective énoncée par Jonathan Bayerl et Diana Laird, « ces travaux pourraient permettre de propager des mammifères menacés à partir d'un seul mâle, à condition qu'une mère porteuse de la même espèce ou d'une espèce apparentée puisse porter les embryons jusqu'à leur terme ».


Source : lequotidiendumedecin.fr