Chez les sujets infectés par le VIH

Que dire du risque fracturaire

Publié le 01/06/2010
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Crédit photo : BSIP

PAR LE Dr JULIEN PACCOU*

L’INSTITUT DE Veille Sanitaire, en 2005, a estimé à 126 615 le nombre de personnes atteintes par le VIH en France. L’évolution de l’infection par le VIH a été modifiée par l’apparition des thérapeutiques antirétrovirales. Elles ont permis une amélioration de la qualité de vie et de la survie de ces patients (1). Cette efficacité s’est traduite par une restauration de l’immunité et une inhibition de la réplication virale (2, 3). Cependant des troubles du métabolisme osseux ont été récemment décrits chez ces patients à la survie prolongée. Ce sont des ostéopathies fragilisantes caractérisées par la présence d’une diminution de la densité minérale osseuse et/ou la survenue de fractures par fragilité osseuse.

Des perturbations de la densité minérale osseuse.

Concernant les données densitométriques, une prévalence de 15 % pour l’ostéoporose et de 52 % pour l’ostéopénie a été retrouvée dans une récente métaanalyse des études transversales publiées entre 1966 et 2005 (4). La responsabilité des thérapeutiques antirétrovirales dans la survenue de cette baisse densitométrique semble invalidées par les données obtenues au cours des études longitudinales en dehors peut-être du tenofovir. Dans la majorité de ces études, il n’a pas été observé de perte osseuse significative après l’introduction des antiviraux. Par ailleurs, des syndromes de Fanconi induits sous tenofovir ont été décrits avec la survenue d’hypophosphatémies parfois compliquée d’ostéomalacies (5).

Nous ne disposons que de peu de données concernant le risque fracturaire chez le patient VIH+. L’étude la plus intéressante a évalué la prévalence des fractures non traumatiques chez les patients infectés en les comparant à des sujets non infectés par le VIH [6]. Un total de 8 525 patients infectés par le VIH et de 2 208 792 patients non infectés par le VIH ont été comparés entre octobre 1996 et mars 2008. La prévalence des fractures était de 2,87 vs 1,77 patients avec des fractures pour 100 personnes infectées par le VIH par rapport aux patients non infectés par le VIH (p < 0,0001). Chez les femmes, la prévalence globale des fractures était de 2,49 contre 1,72 pour 100 personnes chez les patients infectés par le VIH par rapport aux non-infectés par le VIH (p = 0,002). Les femmes infectées par le VIH avaient une prévalence plus élevée de fractures vertébrales (0,81 vs 0,45 ; p = 0,01) et du poignet (1,31 vs 0,83 ; p = 0,01) pour 100 personnes, comparativement à des femmes non infectés par le VIH, mais elles avaient une prévalence équivalente pour les fractures de hanche (0,47 vs 0,56 ; p = 0,53). Chez les hommes, la prévalence des fractures pour 100 personnes a été plus élevée chez les patients infectés par le VIH que chez non infectés par le VIH pour l’ensemble des fractures (3,08 vs 1,83 ; p<0,0001), les fractures vertébrales (1,03 vs 0,49 ; p<0,0001), les fractures de hanche (0,79 vs 0,45 ; p = 0,001), et les fractures du poignet (1,46 vs 0,99 ; p = 0,001).

Les mécanismes physiopathologiques.

Les mécanismes physiopathologiques impliqués dans les perturbations du métabolisme osseux au cours du VIH sont encore largement méconnus. Différents phénomènes sont probablement intriqués, que ce soit un rôle direct du virus sur les cellules osseuses ou encore une dysrégulation du métabolisme de la vitamine D. Des perturbations du métabolisme de l’hormone de croissance (GH) et de l’IGF 1 ( Insuline-like Growth Factor) ont également été évoquées ainsi qu’une activation chronique des cytokines proinflammatoires. En effet, les cytokines pro-inflammatoires, dont le TNF alpha représente le chef de fil, sont sécrétées de façon excessive par les lymphocytes T au cours de l’infection par le VIH. Ces cytokines interférent avec le métabolisme osseux par une action inhibitrice sur les ostéoblastes et activatrice sur les ostéoclastes. Un des médiateurs de cette action est le RANK-L ( Receptor Activator of Nuclear Factor Ligand).

Traitement.

La Cochrane collaboration a réalisé une revue exhaustive de la littérature sur ce sujet en 2007 (8). Trois études randomisées ont étudié l’impact de l’alendronate sur la DMO de patients infectés par le VIH. Elles sont assez différentes en termes de populations étudiées et de thérapeutiques associées. Elles ont pourtant permis de retrouver une augmentation de la DMO sous alendronate après un an notamment en association avec une supplémentation vitaminocalcique. Une étude française menée par l’ANRS (agence nationale de recherche sur le sida) est en cours actuellement. Il s’agit de l’étude FOSIVIR. C’est un essai multicentrique, randomisé, contrôlé et contre placebo dont l’objectif principal est d’évaluer l’efficacité de l’alendronate dans le traitement de l’ostéoporose associée au VIH.

Ainsi, en cas d’ostéoporose fracturaire chez un patient VIH, l’instauration d’un traitement par bisphosphonates est logique, sachant que nous disposons de preuves d’efficacité au moins densitométrique et biochimique de l’alendronate et plus récemment du zolédronate dans cette population.

*CHU de Lille

(1) Palella FJ Jr et coll. N Engl J Med 1998;338(13):853-60.

(2)Gulick RM et coll. N Engl J Med 1997;337(11):734-9.

(3) Hammer SM et coll. AIDS Clinical Trials Group 320 Study Team. N Engl J Med 1997; 337(11):725-33.

(4) Brown TT, Qaqish RB. AIDS 2006; 20(17):2165-2174.

(5) Parsonage MJ et coll. HIV Medicine 2005;6:341-346.

(6) Triant VA et coll. J Clin Endocrinol Metab 2008;93(9):3499-504.

(7) Rietschel P, Corcoran C, Stanley T. Clin Infect Dis 2000;31(5):1240-4.

(8) Lin D, Rieder MJ. Cochrane Database Syst Rev. 2007 Apr 18;(2).

Le Quotidien du Mdecin

Source : Bilan spécialistes