Gérard de Pouvourville, économiste de la santé (ESSEC santé) : « Il peut y avoir un effet Obama »

Publié le 19/01/2009
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LE QUOTIDIEN - Les limites du système de santé américain sont régulièrement pointées du doigt. Qu’est-ce que l’arrivée d’Obama peut changer ?

GÉRARD DE POUVOURVILLE - Obama a prévu un plan de réforme extrêmement ambitieux et assez drastique, touchant à tous les aspects du système de santé américain. Il remet à l’ordre du jour la promesse d’universalité en matière de couverture d’assurance maladie. Les refus de couverture en raison de telle ou telle pathologie, promet-il, seront empêchés. Il met l’accent sur les plans de santé publique, la prévention, la coordination des acteurs de santé entre eux - on croirait d’ailleurs entendre les réformateurs en France. Il promet plus d’efficience grâce à une meilleure informatisation du système de santé, grâce à la chasse au gaspi et aux actes redondants et inutiles. Aux États-Unis, le paiement à l’acte est beaucoup plus pervers qu’en France : les médecins ont la main assez lourde dans la perscription d’examens complémentaires, à la fois pour se protéger au plan médico-légal, et pour gagner de l’argent. Autre nouveauté, Obama veut attaquer de front l’industrie pharmaceutique, en permettant à Medicare (le système d'assurance géré par le gouvernement, et destiné aux plus de 65 ans, ndlr) de négocier les prix des médicaments, comme le font les assurances privées. Il faut s’attendre à une grosse pression sur les laboratoires pour qu’ils baissent leurs prix et s’alignent sur les prix européens. Obama prévoit aussi d’augmenter la concurrence entre les assurances privées pour qu’elles baissent leurs primes et leurs frais administratifs. Son objectif est de diminuer de 2 500 euros par an les dépenses de santé par habitant. C’est énorme. Le coût global de son plan n’est pas annoncé.

S’agissant de la couverture universelle, comment l’équipe Obama peut-elle réussir là où Hillary Clinton a échoué dans les années 1990 ?

À l’époque Clinton, le gouvernement avait essayé d’obliger les entreprises à cotiser pour leurs employés. Là, l’astuce consiste à réduire le coût des contrats d’assurance pour les employeurs, de façon à ce que davantage de salariés s’assurent d’eux-mêmes. Grâce aux économies dégagées, un fonds fédéral sera créé qui prendra en charge les dépenses les plus lourdes - par exemple les traitements anticancéreux. Cela déchargera les assurances privées. Mais en contrepartie, il y aura nécessairement une pression fiscale supplémentaire.

Plusieurs États, déjà, ont pris les devants en établissant une couverture universelle, par le biais de leur propre fiscalité et de leur propre législation. Obama de part pas de rien. C’est le cas du Maine, depuis trois ans, mais les choses ne sont pas si simples car les entreprises font de la résistance.

Comment dépasser les pressions des lobbies pour que réussisse la réforme ?

L’expérience passée des grands plans américains de couverture universelle porterait plutôt au pessimisme. Mais il peut y avoir un effet Obama. La question est de savoir s’il aura assez de leviers politiques pour que le Congrès accepte des dépenses supplémentaires au départ, en pleine crise financière et économique. Sans doute Obama aura-t-il la majorité nécessaire améliorer la couverture des enfants, et interdire aux assureurs de sélectionner les risques médicaux. Des mesures populaires passeront. Est-ce que l’ensemble passera, c’est une autre paire de manches. L’industrie pharmaceutique et les assurances ne vont pas se laisser faire.

PROPOS RECUEILLIS PAR DELPHINE CHARDON

Source : lequotidiendumedecin.fr