La route bitumée s’arrête et fait place à un chemin de terre, entièrement inondé. Les canards barbotent, au côté des cochons et des enfants qui jouent pieds nus. Monica Dinut, assistante sociale, et Véronica Dumitrache, infirmière, sont les seules à venir jusqu’ici pour offrir des conseils en matière de contraception.
Dans ce quartier isolé de Micesti, à quelque 130 kilomètres au Nord-Ouest de Bucarest, dans la région de l’Arges, vit une communauté de Roms. La plupart des femmes sont enceintes.
L’équipe pénètre dans la petite maison de Genovita. À 35 ans, cette mère de trois garçons a déjà interrompu six grossesses. « Comment ça se passe avec la pilule ? Tu la prends bien tous les jours avec une pause de sept jours toutes les trois semaines ? », lui demande Monica. Les traits tirés, la femme acquiesce à toutes les questions. Le coffre de la voiture contient toujours des réserves de plaquettes, au cas où les femmes n’en auraient plus. Elles leur sont distribuées gratuitement. À la pharmacie, il leur faudrait payer 3 euros par boîte. Au-delà de leurs moyens.
À l’extérieur, un groupe de femmes attend. Monica les écoute et prend le temps de compléter une fiche de consultation médicale pour chacune. « Quand nous sommes venues ici la première fois, il y a 10 ans, la majorité ne connaissait même pas le mot contraception. Ne parlons pas du stérilet, elles croyaient que ça donnait le cancer », confie Monica Dinut.
Un manque de médecins formés
Aujourd’hui, l’équipe doit conduire trois femmes pour un contrôle gynécologique à Pitesti, la principale ville de la zone. Outre le manque d’éducation de la population, d’autres obstacles se sont dressés sur leur chemin, telle que l’absence de services médicaux appropriés.
En Roumanie, seuls les médecins généralistes qui ont suivi une formation spéciale pendant leurs études peuvent prescrire des contraceptifs. Dans ce département de 600 000 habitants, 6 médecins uniquement ont cette compétence. « C’est beaucoup de papiers à remplir et il faut aller sur le terrain pour se rendre compte des conditions de vie des patients. Les médecins conçoivent cela comme du travail supplémentaire pour lequel ils ne sont pas payés. Alors nous le faisons à leur place », se lamente Monica Dinut.
Sur la porte du cabinet, une affiche indique « Planificare familiala ». La première des trois femmes de Micesti s’installe. Tension artérielle, poids, antécédents médicaux, tout est vérifié. Vient le moment du contrôle vaginal. Georgeta, 29 ans, ressort paniquée : « Le médecin m’a dit que j’avais une infection, que je devais effectuer un frottis pour voir si j’ai un cancer du col de l’utérus. »
Le médecin Le Dr Liliana-Alciona Crasneanu explique : « Ici nous accueillons toutes les personnes qui n’ont pas de possibilités financières. Aujourd’hui, j’ai créé le 8050e dossier, c’est bien parce que nous sommes partis de zéro mais ce n’est rien par rapport au nombre total des femmes du département. Il faut que les femmes prennent conscience qu’il s’agit de leur santé. Ça, nous ne pouvons pas le faire pour elles. »
Les Roms sont loin d’être la cible unique. Les femmes avec beaucoup d’enfants, qui ont subi plusieurs avortements ou encore les mineures situées dans des centres d’accueil sont concernées.
Un centre pour handicapés mentaux
Ce vendredi, Monica et Véronica ont aussi prévu d’aller dans un centre pour handicapés mentaux, à une quarantaine de kilomètres au Sud de Pitesti. Parmi les seize femmes qui vivent dans l’institut, quatre ont une contraception, un stérilet ou la pilule. Dans leur chambre, on trouve des poupées-baigneurs, signe d’une recherche d’affection ou de l’envie de devenir mère. « On leur parle de santé, d’environnement familial, mais on ne peut pas les laisser avoir des enfants. Que deviendraient-ils ? Ils se retrouveraient à leur tour placés. On ne peut pas prendre ce risque », explique le directeur du centre Marian Nita.
Le nombre important d’enfants abandonnés en Roumanie a été le vrai point de départ de cette idée de planning familial. « En 2002, on a relevé 121 enfants abandonnés, dans l’Arges. En 2011, 32. Dans les 25 autres régions du pays où nous avons aussi mis en place ce projet, cette évolution est confirmée. Notre action est efficace », détaille Bogdan Pavel, coordinateur du projet au sein de l’association Sera.
Au niveau national, les différentes équipes du planning familial itinérant ont déjà rencontré plus de 40 000 femmes. L’objectif de l’association est de couvrir les 41 régions du pays d’ici cinq ans.
Cependant pour lancer le projet, soit financer un ordinateur, un appareil photo, 18 mois de salaire par personne, une voiture, l’essence, quelque 38 000 euros sont nécessaires. L’association fonctionne sur des fonds privés, notamment grâce à l’aide de l’ONG Care France, et souhaiterait que l’État roumain s’investisse plus dans le domaine.
En juin 2013, la Roumanie s’est engagée devant l’ONU à adopter une stratégie nationale en matière de droits sexuels et reproductifs. L’idée était de mettre en place des cours d’éducation sexuelle obligatoires dans les écoles. Ces promesses n’ont cependant pas encore été suivies d’actes puisque le budget 2014 n’a alloué aucune ressource à cet égard.
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