Face aux maladies infectieuses émergentes

La mission Keller donne sa feuille de route

Publié le 16/07/2012
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À L’ORIGINE DE 14 millions de décès chaque année dans le monde, les maladies infectieuses représentent aujourd’hui 43 % du total des causes de décès contre 1 % dans les pays industrialisés. Mais l’incidence des maladies émergentes dans les pays du Nord a aussi augmenté de 10 à 20 % depuis 15 ans. Sur les 335 nouvelles maladies infectieuses découvertes entre 1940 et 2004, 60 % sont des zoonoses provenant de la faune sauvage. En outre, 90 % des virus et des bactéries identifiés aujourd’hui n’étaient pas connus il y a 30 ans. Et 70 % des séquences de l’environnement de l’homme restent inconnues. « C’est dire si l’incertitude sur l’origine des pathogènes des futures épidémies est immense », souligne le rapport.

Pour cerner les principaux enjeux des pouvoirs publics face à ces pathologies émergentes (ou réémergentes), la mission Keller s’est notamment appuyée sur de récents travaux menés en France (Haut Conseil de la santé publique, INRA) et à l’étranger (Au Royaume-Uni, en Chine, au sein de l’Organisation économique de la zone Asie-Pacifique). Le principal enseignement de cette revue de littérature peut paraître frustrant : « l’examen des exercices menés jusqu’à présent, en France comme à l’étranger, conduit à penser que la méthode des scénarios est inadaptée pour traiter le sujet des maladies infectieuses émergentes ( …) Aucune matrice ne pourrait rendre compte de cette multiplicité des possibles et il faut reconnaître notre impuissance et notre ignorance ». Il est néanmoins possible d’agir sur les facteurs intervenant dans la mécanique d’apparition et de diffusion des maladies émergentes. La mission en recense neuf : démographie et urbanisation, précarité des conditions sanitaires, évolution des agents pathogènes, voyages et échanges intercontinentaux, interactions santé animale/santé humaine, organisation du système sanitaire, recherche, usage des sols, changement climatique.

Trois défis.

Les autorités publiques devront faire face à trois grands défis, prévient la mission : « comment appliquer les mesures traditionnelles de santé publique au XXIe siècle dans une société particulièrement complexe, mobile, éclatée, parcellisée ? » ; « comment doit-on communiquer sur le risque et l’incertitude à l’heure d’internet ? » ; « comment peut-on garantir un accès équitable aux ressources en cas de crise ? ». Dans le champ des maladies émergentes, « la question des politiques publiques possibles dans leur diversité apparaît trop rarement prise en compte, le traitement du sujet semblant dans l’ensemble réservé aux spécialistes des disciplines concernées », estime la mission qui attire également l’attention sur l’insuffisance des moyens dédiés à la surveillance des maladies virales émergentes en zone tropicale. Les dix leviers d’action proposés restent prospectifs et concernent notamment l’information des populations sur les pathologies, les vecteurs et les prophylaxies, la régulation des mouvements de praticiens de la santé des pays du Sud vers les pays du Nord en encore le soutien à la recherche sur les vaccins et les thérapeutiques des maladies infectieuses.

DAVID BILHAUT

Source : Le Quotidien du Médecin: 9153