Conférence internationale sur le sida à Rome

Le message des scientifiques aux politiques

Publié le 25/07/2011
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Crédit photo : IAS 2011

LA SIXIÈME édition de la conférence bisannuelle de l’International AIDS Society (IAS) a réuni pendant quatre jours près de 6 000 chercheurs, médecins et experts du sida – un record, selon les organisateurs – autour des dernières découvertes sur le VIH/sida. La prévention a constitué le point fort de cette année. Les résultats de trois études confirmant le rôle préventif des ARV ont notamment soulevé un vent d’espoir dans la communauté scientifique.

Les résultats de l’étude HPTN 052 avaient déjà été présentés en avril 2011 et ont officiellement été publiés dans le « New England Journal of Medicine ». Ils confirment qu’un traitement antirétroviral institué de manière précoce (CD4 entre 350 et 550/mm3) diminue de 96 % le risque de transmission du VIH chez les couples sérodiscordants par rapport à un traitement donné plus tardivement (CD4 ≤ 250/mm3). L’étude montre par ailleurs un bénéfice du traitement pour le partenaire non infecté mais aussi pour celui qui reçoit le traitement, avec une diminution de 41 % du risque d’événements cliniques sida.

Les deux autres études sont des études de traitement pré-exposition, l’étude TDF2, menée par les CDC, et l’étude Partners PreP, réalisée chez des couples sérodiscordants hétérosexuels. Elles confirment la réduction de la transmission du VIH entre partenaires, de 63 à 78 % dans l’étude TDF2, qui a évalué l’innocuité et l’efficacité d’un comprimé une fois par jour de Truvada ; de 62 % et 73 % dans l’étude Partners Prep de phase III, où les personnes infectées ont reçu soit du tenofovir, soit du Truvada soit un placebo.

Traiter c’est prévenir.

« Traiter c’est prévenir et ces trois études en apportent la preuve, a assuré le Dr Elly Katabira, président de l’IAS. La IXe conférence international sur le sida de Vancouver en 1996 reste dans les mémoires comme celle où a été annoncée l’arrivée des trithérapies. Cette VIe conférence de l’IAS marquera les débuts d’une autre révolution, celle du traitement comme prévention. »

Pour le Pr Françoise Barré-Sinoussi, prix Nobel de médecine 2008 et future présidente de l’IAS en 2012, « c’est un message des scientifiques aux politiques : il faut pouvoir maintenant fournir des antirétroviraux partout ». « Nous avons de bonnes raisons d’être euphoriques et de célébrer les triomphes de la science, mais il faut faire attention pour ne pas nous réveiller demain avec une gueule de bois », résume de son côté Peter Piot, ancien directeur de l’ONUSIDA.

Les enjeux sont importants : élargir le dépistage pour que tous ceux qui sont infectés sachent qu’ils le sont (actuellement, la moitié ne le sait pas), élargir l’accès aux ARV (9 millions de ceux qui en ont besoin n’en bénéficient toujours pas) et trouver les ressources financières nécessaires. Des solutions comme la taxe sur les transactions financières ou une meilleure participation au Fonds mondial des pays émergents, comme la Chine (en Europe, l’Italie pays organisateur de la conférence ne contribue plus au Fonds depuis deux ans), devront être trouvées. Jean-Paul Moatti, professeur en économie de la Santé (INSERM, Université de la Méditerranée) a rappelé une évidence : « Les pays payent moins pour la santé et perdent moins de jours de production » lorsque les citoyens sont en bonne santé. L’enjeu est tel que, pour la première fois, des chercheurs en sciences sociales ont été invités à donner un éclairage sur les stratégies préventives.

Circoncision efficace.

Toujours dans le domaine de la prévention, les résultats de l’étude ANRS 12126 réalisée entre 2007 et 2010 auprès des 110 000 habitants d’Orange Farm, un bidonville de la banlieue de Johannesbourg (Afrique du sud) ont montré que la circoncision réduit de 76 % l’incidence*. L’étude confirme « dans la vraie vie », comme l’a souligné le Pr Jean-François Delfraissy, les trois études expérimentales qui avaient permis à l’OMS de recommander cette stratégie de prévention en cas de forte prévalence du VIH et de faible prévalence de la circoncision. Le Pr Bertran Auvert (INSERM, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines), principal investigateur de l’étude, a par ailleurs relevé que la réduction du nombre de nouvelles infections permettait aussi de réduire « les besoins en traitements antirétroviraux ».

Du point de vue plus fondamental, les chercheurs ont lancé à l’occasion de la Conférence de l’IAS un appel pour une accélération de la recherche sur les traitements. Dans cette déclaration, ils soulignent que « les récents progrès scientifiques dans la recherche sur le VIH ont conduit à une résurgence de l’intérêt et de l’optimisme, dans la perspective d’au moins une guérison fonctionnelle (« HIV cure »). » À défaut d’éradiquer totalement le virus, la recherche vise à empêcher la réplication du virus et à réduire de manière importante les réservoirs. Le patient serait en quelque sorte en rémission. Un groupe de travail présidé par les Prs Barré-Sinoussi et Steve Deeks (université de Californie) a été mis en place pour faire reconnaître et soutenir cette stratégie qui sera un des thèmes phares de la prochaine conférence sur le sida, qui se tiendra à Washington en 2012.

* Selon l’hypothèse communément admise, l’effet protecteur de la circoncision s’explique par la présence sur la surface interne du prépuce de cellules de Langerhans, facilement infectées par le VIH.

 Dr LYDIA ARCHIMÈDE

Source : Le Quotidien du Médecin: 8997