Efficacité et tolérance confirmées sur le terrain

Le succès mondial de la vaccination

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Publié le 20/01/2020
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Avec plusieurs années de recul et d’expérience sur le terrain, l’efficacité et la bonne tolérance de la vaccination contre le papillomavirus (HPV) sont largement confirmées. De très nombreux pays maintenant ont inclus, dans leur calendrier vaccinal, la vaccination des garçons, non seulement pour l’effet de groupe mais aussi du fait des autres cancers pouvant être liés à HPV et qui touchent l’homme : cancers ORL, anaux, péniens. La demande mondiale s’accroît, exposant à des tensions provisoires d’approvisionnement.
L'OMS cherche des solutions face au risque de ruptures de stocks

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Crédit photo : phanie

« Le succès du vaccin contre l’HPV se confirme d’année en année », souligne le Pr Robert Cohen (hôpital intercommunal de Créteil). Son efficacité dans la prévention des infections et des pathologies cervicales liées au HPV est largement confirmée et les données sur sa bonne tolérance se sont accumulées et vont toutes dans le même sens (1). L’étude de cohorte de l’Ontario, menée chez les jeunes filles ayant reçu le vaccin HPV quadrivalent, ne retrouve pas d’augmentation du risque de développer une maladie auto-immune, quels que soient les antécédents de troubles immuno-médiés et le délai depuis la vaccination (2). Pour le vaccin à 9 valences, l’expérience porte désormais sur quelque 28 millions de doses et le système de vigilance américain, dont les données viennent d’être publiées, ne met en évidence aucun signal au niveau des effets secondaires (3). Ces derniers étaient ceux attendus, avec un taux 259/1 000 pour les effets bénins et de 7/1 million pour les effets plus sévères.

Un succès qui pourrait conduire à des tensions d’approvisionnement au niveau mondial, comme l’a récemment souligné l’Organisation mondiale de la santé (OMS). « Ces difficultés ne concerneront pas forcément la France, et seront dans tous les cas temporaires, le temps que de nouvelles usines de production soient opérationnelles, d’ici deux ou trois ans », précise le Pr Cohen, qui rappelle que la forte augmentation de la demande mondiale résulte de la démonstration de l’efficacité de la vaccination sur le terrain, « l’effectiveness » des anglosaxons.

Un problème qui pourrait être en partie résolu par la possible diminution, à terme, du nombre d’injections vaccinales nécessaires. Car dans ce domaine aussi, les données convergent pour souligner la très bonne efficacité d’une seule dose de vaccin dans des études menées sur le terrain, en Australie, aux États-Unis ou encore au Danemark (4,5,6). Le recul n’est aujourd’hui que de six ou sept ans, mais trois études publiées en 2019 montrent qu’en matière de prévention des lésions de haut grade, une seule injection fait aussi bien que deux ou trois. D’ailleurs, dans le cadre des stratégies d’épargne proposées pour faire face à la pénurie mondiale annoncée, le groupe stratégique consultatif d’experts de l’OMS suggère de faire une première dose vaccinale et d’attendre quatre ou cinq ans pour envisager la suite.

Qu’en est-il des couvertures vaccinales ? Elles sont quasi-optimales dans de nombreux pays, notamment en Australie et au Royaume-Uni, avec un rôle majeur de la vaccination en milieu scolaire. Mais certains pays, comme l’Espagne et le Portugal, ont pu atteindre d’excellentes couvertures vaccinales sans passer par l’école, grâce à la forte implication des pédiatres, bien plus nombreux qu’en France et ardents défenseurs de la vaccination.

En France, la situation est encore loin d’être optimale, mais on note une augmentation régulière de la couverture vaccinale depuis deux ou trois ans. Elle atteint désormais 26 % pour deux doses et 33 % pour une dose chez les jeunes filles âgées de 14-15 ans. Le phénomène d’hésitation vaccinale n’a pas concerné que le vaccin contre le papillomavirus, mais aussi d’autres vaccins (hépatite B, méningocoque C, coqueluche). Le Danemark a, lui, connu un vrai recul de la vaccination il y a trois ou quatre ans, suite à la propagation de rumeurs sur des effets secondaires présumés. Un phénomène qui s’est depuis inversé mais qui « illustre bien l’effet nocebo des fausses informations, relayées en particulier par les réseaux sociaux, bien documenté dans un travail danois récent », rappelle le Pr Cohen (7).

Entretien avec le Pr Robert Cohen, pédiatre, infectiologue, hôpital intercommunal, Créteil

Liens d’intérêt : Le Pr Robert Cohen déclare des liens d'intérêt avec AstraZeneca, GSK, Medimmune, Merck, MSD, Pfizer et Sanofi Pasteur

(1) García-Perdomo HA. Epidemiol Infect. 2019 Jan;147:e156. doi: 10.1017/S0950268818003679

(2) Liu EY et al. CMAJ May 28, 2018 190 (21) E648-E655; DOI: https://doi.org/10.1503/cmaj.170871

(3) Shimabukuro TTet al. Pediatrics. 2019 Dec;144(6). pii: e20191791. doi: 10.1542/peds.2019-1791

(4) Australie (Brotherton J et al. Papillomavirus Research dec 2019, https://doi.org/10.1016/j.pvr.2019.100177 

(5) Markowitz LE et al. J Infect Dis. 2019 Nov 30. pii: jiz555. doi: 10.1093/infdis/jiz555 

(6) Verdoodt F et al. Clin Infect Dis. 2019 Mar 20. pii: ciz239. doi: 10.1093/cid/ciz23

(7) Ward D et al. Euro Surveill. 2019 May;24(19). doi: 10.2807/1560-7917

Dr Isabelle Hoppenot
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Source : Le Quotidien du médecin