Assistants sexuels pour les personnes handicapées

Les associations veulent un débat

Publié le 07/03/2013
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ROSELYNE Bachelot, alors ministre de la santé avait opposé un refus catégorique. « Vous pensez que la ministre en charge des droits des femmes va soutenir un truc pareil ! », avait-elle déclaré en commentant une proposition de loi portée par Jean-françois Chossy en faveur de l’accès des personnes handicapées à des assistants sexuels. « J’y suis rigoureusement, formellement, totalement opposée », avait-elle ajouté. La ministre s’était néanmoins engagée à la suite de la remise du rapport sur le handicap de ce même Jean-François Chossy à saisir le Conseil consultatif national d’éthique. Celui-ci devrait rendre son avis la semaine prochaine.

Toutefois, la question ne semble pas prévue au calendrier du gouvernement actuel comme le confirme la secrétaire générale auprès du premier ministre, du Comité interministériel au handicap (CIH), Agnès-Marie Égyptienne. « Ce n’est du tout inscrit dans les priorités gouvernementales », explique-t-elle. En relation avec les associations de patients, elle connaît leurs revendications. « C’est un sujet délicat, difficile. La personne handicapée est une personne dans toute sa dimension. La vie sexuelle certes, mais aussi la vie intime font partie de sa vie à part entière. Comment répondre aux personnes se qui retrouvent dans l’incapacité de pouvoir accéder seules à leur intimité et à leur sexualité ? » Selon elle le film « The Sessions » a le mérite de sortir du manichéisme : Pour ou contre les assistants sexuels.

Une conférence de consensus

Ce film, les associations espèrent qu’il fera avancer les choses. Pascal Ribes, présidente de CH(S)OSE, une association créée en janvier 2011 à l’initiative du collectif Handicap et Sexualité, souhaite qu’il puisse aider à « faire comprendre que l’assistance sexuelle n’est pas de la prostitution ». Et de préciser : « Nous ne demandons pas la légalisation du proxénétisme mais une exception à la loi pénale pour ce type de service. » Selon le président de l’association des paralysés de France (APF), Jean-Marie Barbier, « le cinéma, on l’a vu avec « Intouchables » sur un autre plan, peut permettre de débloquer les esprits, de tailler dans les idées reçues et de faire avancer dans la conscience collective le fait que certains citoyens ont des problèmes particuliers et qu’il faut finir par s’y intéresser et y répondre ».

L’appel publié sur le site « Faire Face », le mensuel d’information de l’APF (www.faire-face.fr) en septembre 2011 a recueilli plus de 2 300 signatures. Les associations qui ont été entendues par le CCNE demandent aujourd’hui qu’un débat public soit ouvert et qu’une « conférence de consensus » soit mise en place.

« Beaucoup de choses sont dites et beaucoup de bêtises. La vie affective existe pour tout un chacun qui a fait le choix de ne pas s’en passer. Une fois que l’on a dit cela, il faut y répondre ». D’autant plus que les témoignages des difficultés des personnes handicapées à accéder à leur sexualité abondent. « Les choses se passent dans le huis clos des établissements, des domiciles et dans les familles », assure Jean-Marie Barbier. Ce que n’acceptent pas les associations, c’est le retard pris par la France sur ces questions. En France, la sexualité des personnes handicapées reste taboue. « Cela se fait sous le manteau, en cachette », assure le président de l’APF. Selon un sondage IFOP réalisé pour l’APF, il y a quelques années par son association, 61 % des Français pensent que les personnes handicapées n’ont pas de vie sexuelle.

Partout sauf en France

« Comme cela, ça nous dérange beaucoup moins », commente le Dr Philippe Brénot. Psychiatre et responsable des enseignements de sexologie à l’université Paris-Descartes (Paris V), il appelle à une sexualité pour tous. « On vient d’aller vers le mariage pour tous, il faut qu’il y ait une sexualité pour tous parce que les handicapés ont des désirs », explique-t-il. Il rappelle que les assistants sexuels (sexual assistant) existent aux États-Unis depuis les années 1980 à la suite des travaux de Masters et Johnson. « En Europe, les premiers assistants sont apparus dans les années 1990 d’abord aux Pays-Bas puis dans le nord de l’Europe, au Danemark, en Suède, en Norvège et enfin plus près de nous en Belgique, en Allemagne, en Autriche, en Suisse et même en Italie », précise le Dr Brénot. Ce qui lui fait dire : « Nous sommes le seul pays en Europe où les assistants sexuels ne sont pas autorisés ». Une seule raison à cela : « Aux yeux de la loi, le corps tarifé, c’est de la prostitution ». Le Dr Brénot, ajoute, un brin provocateur, lui qui tient un blog sur le site du « Monde » (Liberté-Égalité-Sexualité sur http//sexologie.blog.lemonde.fr) : « Ce ne sont pas uniquement des masturbateurs et des masturbatrices. Il faut une formation en psychologie et en sexologie. Il faut que ces assistants qui ne sont ni médecins ni kinésithérapeuthes apprennent ce qui les engage ». En France, il regrette que même « dans les grandes consultations comme Garches ou Berck », ce type de question ne soit pas abordé. Pour lui, il y a urgence. « The Sessions » est un film « absolument à voir ».

 Dr LYDIA ARCHIMÈDE

Source : Le Quotidien du Médecin: 9224