LES ACADÉMICIENS n’ont pas rejeté d’emblée toutes les recommandations faites au début du mois par le groupe d’études sur la vaccination, présidé par Olivier Jardé et Edwige Antier. Eux aussi estiment que la formation des médecins doit comporter un enseignement de la vaccinologie et de l’épidémiologie. Ils sont également favorables à la proposition de faire signer un refus vaccinal avec décharge de responsabilité du professionnel. Rien à dire non plus sur la nécessité de respecter le calendrier vaccinal. En revanche, concernant les autres recommandations, Pierre Bégué, pédiatre et infectiologue, membre de l’Académie de médecine, n’hésite pas à dire qu’« elles vont dans le sens contraire de la santé publique ».
Après la « mise au point » du président de l’Assemblée nationale où Bernard Accoyer précisait que le rapport des députés n’engageait qu’eux (et donc non publié sur le site de l’Assemblée), c’est au tour des académiciens de prendre leur distance. L’immunologiste Jean-François Bach, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences regrette que les députés n’aient procédé qu’à des auditions séparées et non contradictoires. La fiabilité de l’expertise est primordiale pour lutter contre les oppositions vaccinales devenues « préoccupantes » dans tous les pays occidentaux. « Il y a des problèmes avec les vaccins », reconnaît Jean-François Bach : il n’y en a pas assez et d’efficacité suffisante pour lutter contre des maladies comme le paludisme ou le sida*.
De la persuasion.
Revenir à l’obligation vaccinale, en particulier pour la rougeole, est « un mauvais combat », répond Pierre Bégué à la proposition des députés. Il est peu probable que ce caractère obligatoire améliore la couverture vaccinale qui « n’est pas si mal que ça », autour de 93 à 95 % en Ile-de-France (88 % au niveau national). Pour gagner 2 ou 3 % de plus, il faut au contraire privilégier « la persuasion », estime le pédiatre, à travers une information « patiente et bien argumentée » des parents. Le maintien des vaccins obligatoires actuels « paraît souhaitable » au regard des fléaux que sont la diphtérie, la poliomyélite ou le tétanos, notent les académiciens. Par ailleurs, demander le retour de la bague pour le BCG « fait sourire », commente Pierre Bégué qui rappelle que le vaccin par multipuncture a été supprimé pour des raisons de contrôle et de coût. « Le recours à des centres vaccinaux expérimentés suffirait certainement » à appliquer correctement la vaccination par voie intradermique, suggèrent les académiciens. Autre sujet : le vaccin contre le papillomavirus. Qui ignore qu’il s’agit d’un vaccin partiel, s’interroge le Pr Bégué alors que le Haut Conseil de la santé publique a rendu un avis complet, le 11 octobre 2011, sur le vaccin Gardasil et la stratégie de prévention globale du col de l’utérus. La vaccination et le dépistage du cancer sont inséparables « ce qui nécessite effectivement un message fort auprès des adolescentes », conseillent les académiciens.
Vaccins du monde.
Reste la proposition du moratoire sur l’aluminium utilisé comme adjuvant, non fondée « sur des arguments scientifiques étayés ». Quoi, la France serait donc le seul pays à vouloir condamner ces vaccins ? « Il n’y a pas beaucoup de vaccin disponible sans ce type d’adjuvant. Ce sont les vaccins du monde entier », s’exclame Pierre Bégué qui s’étrangle à l’idée que l’on puisse demander l’inscription de la présence d’aluminium sur les boîtes de vaccin. « Pourquoi ne pas prendre exemple sur les paquets de cigarettes en mettant "le vaccin tue" ? ». Aujourd’hui, l’aluminium n’est pas substituable et aucune relation de cause à effet ne permet d’imputer au passage de l’aluminium dans le cerveau des conséquences neurodégénératives, préviennent les académiciens. Sans écarter la voie de la recherche pour de nouveaux adjuvants, ils estiment que le problème soulevé par l’aluminium n’est tant celui de ses effets secondaires que de l’insuffisance de son efficacité pour beaucoup de vaccins. Quand au phosphate de calcium, « il mériterait d’être mieux étudié car les publications disponibles sont anciennes et très parcellaires ». L’Académie de médecine, qui a créé un groupe de travail sur les adjuvants, remettra un rapport en juin prochain.
*Les Académies de médecine et des sciences feront une séance commune, le 3 avril prochain, à l’Institut de France, sur « Les vaccinations du futur ».
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