Répandus et pourtant méconnus : la Fédération française Anorexie-Boulimie appelle à faire des TCA une priorité de santé publique

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Publié le 02/06/2021

Crédit photo : S.Toubon

À l’occasion de la journée mondiale du 2 juin, la Fédération française Anorexie-Boulimie (FFAB) bat le rappel pour que les troubles des conduites alimentaires (TCA) soient mieux connus et repérés par le grand public et les soignants, et mieux pris en charge.

L'on considère que 0,5 % de la population française serait concernée par l’anorexie mentale, 1 % par la boulimie et 2 % par l'hyperphagie boulimique ; soit un million de personnes en France, tout TCA confondu. Mais une récente revue de la littérature réalisée par l'équipe du CHU de Rouen établit que 20 % des femmes et 14 % des hommes seront confrontés au cours de leur vie à des TCA, y compris sous des formes plus légères.

« Il est temps de faire sortir de l'ombre ces TCA encore méconnus », exhorte la Pr Nathalie Godart, pédopsychiatre et présidente de la FFAB, en soulignant que, paradoxalement, les plus répandus (hyperphagie et boulimie) sont les plus invisibles et mal repérés. L'hyperphagie boulimique n'est inscrite dans le DSM-5 que depuis 2012 ; et les recommandations de la Haute Autorité de santé (coécrites avec la FFAB) sur boulimie et hyperphagie datent de 2019 (contre 2010 pour l'anorexie).

Sans oublier que tous les TCA sont victimes d'idées reçues et d'a priori, qui sont autant d'obstacles à leur prise en charge.

Prise en charge précoce, longue et pluridisciplinaire

Au cours d'une vaste table ronde, les spécialistes des TCA ont insisté sur l'importance d'une prise en charge précoce et multidisciplinaire. « En 2021, on ne peut plus dire que seuls les psychiatres prennent en charge les TCA : toutes les disciplines sont représentées, de la médecine de l'enfant à celle de l'adulte, des somaticiens aux psys, en passant par les diététiciens et les nutritionnistes », affirme la Dr Corinne Blanchet, endocrinologue.

Les prises en charge sont longues (plusieurs mois, voire années) et nécessitent une véritable coordination des soins, selon la spécialiste. « Un médecin de premier recours ou autre doit avoir le courage de coordonner les soins, c'est-à-dire de ne pas lâcher le patient ni sa famille dans le doute, d'éviter les ruptures dans les périodes de transition de l'enfance à l'adolescence, parfois jusqu'à l'âge adulte », a-t-elle insisté. Et de souligner l'individualisation des soins : « Je ne crois pas à un protocole unique, les soins doivent évoluer dans le temps avec le patient, ses symptômes, la famille, etc. ».

Pour les experts, l'alliance avec cette dernière est capitale. « Il est regrettable que certaines croyances perdurent, comme celle selon lesquelles la famille est jugée responsable et doit être bannie. Les parents doivent au contraire savoir reconnaître les prémisses d'un TCA et être des vigies », considère Danielle Castellotti, présidente de la Fédération nationale des associations liées aux TCA (FNA-TCA). « Il est fou de vouloir soigner un patient sans les aidants ; nous avons besoin qu'ils soient des cothérapeutes », corrobore la Dr Blanchet. 

Enfin, la guérison n'est pas hors de portée, ont souligné les participants de la table ronde. « Oui, les adolescents peuvent guérir, c'est-à-dire retrouver de la liberté par rapport à l'alimentation, à leur corps et ne plus avoir des pensées envahissantes », a rappelé le Dr Renaud de Tournemire, pédiatre. 

La FFAB a enfin appelé les pouvoirs publics à soutenir les filières de soins, c'est-à-dire à les rendre plus visibles lorsqu'elles existent et à les créer là où elles font défaut. Car malgré des progrès réalisés ces 20 dernières années, toutes les régions ne disposent pas de réseaux ad hoc, les délais de consultations restent encore trop longs, et les formations des acteurs du soin sont parfois lacunaires. Une urgence, alors que la crise sanitaire liée au Covid n'a pas manqué de les aggraver.


Source : lequotidiendumedecin.fr