La réforme à l’épreuve de la conjoncture

Rupture : le renoncement ?

Publié le 12/01/2009
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TOUTES LES RÉFORMES du président ne sont pas bien inspirées. Celle des chaînes publiques, menée à la hussarde, est la moins convaincante. Elle est néanmoins maintenue, avec deux dispositions, la nomination du P-DG de France Télévisions par le pouvoir et la seconde coupure publicitaire accordée aux chaînes privées, qui font oublier l’essentiel, une suppression de la publicité sur les chaînes publiques (à partir de 20H30 pour commencer) qui est une des excellentes idées de M. Sarkozy. D’ailleurs, c’est une si bonne idée que tous les créateurs ne vouent pas le pouvoir aux gémonies et saluent un indéniable progrès, quitte à se désintéresser d’un financement problématique, du cadeau fait aux chaînes privées et surtout de l’ingérence du pouvoir politique dans une activité politico-culturelle qui doit rester indépendante.

Éviter la crise sociale.

Il est vrai néanmoins que la réforme de la télé participe, à tous les égards, de la rupture. Il est donc hâtif de croire que M. Sarkozy a renoncé au principe fondateur de sa campagne électorale en se fondant sur un certain nombre de reculs motivés par son sens politique : il a compris que, s’il négligeait le mécontentement populaire en période d’affaissement économique, il se retrouverait avec une crise sociale qui le contraindrait non pas à ajourner les réformes mais à les abandonner purement et simplement. Car c’est la conjoncture qui a eu raison de plusieurs projets présidentiels. La crise est si aiguë que le gouvernement a provisoirement renoncé à quelques-uns des engagements qu’il n’avait pas pu tenir avant la déroute économique et sociale. Le RSA, grand symbole de la rupture, n’a pu être adopté qu’au moyen d’une hausse (minime) des impôts ; la dette qu’on avait juré de diminuer, a augmenté ; les déficits publics sont en hausse. Pour conjurer la misère, il a fallu lâcher du lest alors que, avant la crise, nous ne respections guère les critères de Maastricht. Dans le domaine de la fiscalité, le gouvernement essuie une lourde défaite.

Le travail dominical, qui divise les Français au point qu’il est totalement impossible de trouver un compromis, représentait un autre symbole, particulièrement fort, de la rupture. Il est bien improbable qu’il soit adopté, même très partiellement, dans les prochaines années. Il ne faut pas chercher la raison de l’échec du gouvernement, elle est irrationnelle, dès lors que travailler le dimanche n’est pas une contrainte mais une possibilité offerte aux salariés. C’est ce genre de querelle incompréhensible dont l’immatriculation des voitures offre l’exemple le plus surprenant. Le gouvernement voulait que les plaques d’immatriculation ne fussent plus départementales, mais nationales, il a déclenché autant de chauvinismes qu’il y a de départements. Nous aurons donc des plaques nationales qui indiqueront le département. C’est ainsi qu’un projet destiné à simplifier une obligation administrative se transforme en une réalité complexe et un tantinet absurde. On laissera au lecteur le soin d’imaginer ce qui va se passer quand on voudra supprimer les départements pour simplifier la gestion des collectivités locales.

Les reculs du pouvoir en matière de rupture sont donc nombreux. On dit que M. Sarkozy ouvre un nouveau chantier dès qu’il est obligé d’abandonner le précédent. Mais, ces derniers mois, il a plus souvent reculé que progresser. Est-ce à dire que la réforme se meurt, que la rupture est terminée, que le pouvoir se chiraquise ? On ne saurait passer un tel jugement sans faire, au préalable, le compte des réformes abouties. Non, Xavier Darcos n’a pas fait mieux que Claude Allègre au ministère de l’Education, sauf que M. Sarkozy n’a pas, comme Lionel Jospin, limogé son ministre et que M. Darcos va reprendre la négociation avec les lycéens rebelles. Entre-temps, la fusion de l’ANPE et des Assedic a bien eu lieu, elle est en vigueur depuis le début de l’année ; et la réforme de l’État est largement entamée, notamment par une réduction des effectifs des fonctionnaires qui se poursuit en dépit des hurlements des intéressés, des syndicats et de la gauche.

Il ne s’agit pas de mesures secondaires, mais de réformes qui, par le passé, n’ont pu être appliquées ni par la droite ni par la gauche. On peut certes rappeler de ce que M. Sarkozy n’a pas fait. Mais on n’a pas le droit d’ignorer ce qu’il a fait, contre une opposition féroce et inlassable et dans un contexte qui ne favorise pas des changements aussi considérables. Le chef de l’État n’a pas tort de ménager le pays dans une période difficile. Il a l’occasion de poursuivre les réformes en procédant, dans le semaines qui viennent, à un remaniement gouvernemental qui devient indispensable dès lors que Xavier Bertrand abandonne les affaires sociales pour se consacrer à l’UMP. L’occasion de confirmer à la fois la rupture et l’ouverture. Contrairement à ce que la gauche essaie de nous faire croire, les ministres venus de la gauche ne semblent ni gênés dans leur action ni pressés de retourner au bercail. Martin Hirsch a fait adopter avec le RSA, la mesure-phare du quinquennat. Bernard Kouchner n’a pas démérité au ministère des Affaires étrangères. Fadela Amara, victime d’un budget squelettique, n’en travaille pas moins et se fait respecter. Eric Besson ne manque pas une occasion de dire qu’il est heureux au gouvernement. Les ministres venus de la gauche ont fini par s’imposer et la cacophonie des dix-huit premiers mois s’atténue, soit parce qu’il y a moins de couacs soit parce qu’on a fini par s’y habituer. M. Sarkozy, s’il veut maintenir l’opposition dans ses contradictions et ses faiblesses, serait bien inspiré de confirmer l’ouverture qui, à elle seule, constitue une rupture.

LA PLUS GRANDE DES RUPTURES, C’EST L’OUVERTURE

La querelle sur les plaques d’immatriculation : un Clochemerle national

RICHARD LISCIA

Source : lequotidiendumedecin.fr