« La feuille de route Santé sexuelle implique, dans plusieurs de ses axes, les généralistes », souligne le Pr François Dabis qui préside depuis près d’un an le comité de pilotage du deuxième volet de la Stratégie nationale de Santé sexuelle, publié début décembre 2021.
Ainsi, depuis juin 2021, les omnipraticiens ont une opportunité très forte de s’impliquer dans la santé sexuelle au travers de la possibilité de prescrire en première intention la prophylaxie pré-exposition (PrEP) pour la prévention du VIH. « C'est une décision qui était très attendue et que le ministre a prise. On commence à peine à la décliner en pratique », explique l'infectiologue de Bordeaux.
L’idée est de disposer d’un maillage territorial progressif où de plus en plus de médecins de ville sont engagés dans la proposition de services de santé sexuelle pour les populations à risque dans leur patientèle. « Dans toutes les régions, en commençant par l'Est PACA (Nice), on voit se mettre en place une sensibilisation et une formation, et on l’espère, une montée de l’usage, au travers des généralistes, de tout ce qui est la prévention biomédicale pour le VIH », précise le Pr Dabis.
Relancer le dépistage
Un deuxième volet de la stratégie Santé sexuelle impacte les généralistes : l’offre de dépistage. « On a découvert, au travers de l’épidémie de Covid, qu’on pouvait beaucoup plus dépister qu’avant avec une offre élargie, indique l'ancien président de l'ANRS. Or, en matière de dépistage VIH, on en est à moins 20 % par rapport à ce qui se pratiquait avant la crise, notamment dans les structures spécialisées comme les CeGIDD* qui ont été momentanément fermées pendant les confinements. Il faut bien entendu que celui-ci reparte, mais il faut aussi que les médecins généralistes puissent participer plus au dépistage du VIH et des infections sexuellement transmissibles (IST) ».
Le Pr Dabis et l’ensemble du comité de pilotage de la feuille de route souhaitent que les médecins de première ligne puissent intégrer de plus en plus la dimension santé sexuelle dans le suivi de leur patientèle aux différentes étapes de la vie. Et que les dépistages soient clairement, dans ce cadre, identifiés comme une possibilité. Ce qui nécessite du temps et de l’accompagnement. « Cela ne va pas se faire du jour au lendemain », ponctue François Dabis.
Consultation longue pour les jeunes
Cet accompagnement pourrait être plus facile pour les médecins s’il comportait une contre-partie financière. « Tout dépend des pratiques médicales envisagées », ajoute-t-il. Pour les médecins qui ont des activités envers des populations à très haut risque, par exemple dans des centres de santé sexuelle d’approche communautaire en voie d'extension sur tout le territoire, des moyens spécifiques seront mis en œuvre. Pour les autres, « intégrer ces questions de santé sexuelle dans la consultation demande du temps. Ce qui nécessite une implication financière ». Le Pr Dabis pense que « le ministère le comprend aussi, et permet notamment depuis peu la consultation longue en santé sexuelle et reproductive pour les jeunes des deux sexes jusqu’à leurs 18 ans ».
Troisième axe : le développement professionnel continu (DPC) des généralistes. « La dimension santé sexuelle et reproductive est maintenant clairement affichée et va être probablement renforcée », espère le Pr Dabis. D’après lui, la démographie médicale aujourd’hui fait que certains médecins ne sont pas prêts pour aborder ces thèmes même si la demande de la population est là.
Se tester sans ordonnance
Enfin, pour renforcer le dépistage du VIH, une expérimentation intitulée « Au labo sans Ordo » a été menée au décours de la première feuille de route à Paris et dans le département des Alpes-Maritimes. Il s’agissait de donner la possibilité à n’importe quel usager de se rendre dans un laboratoire d’analyses biologiques pour demander un test sans ordonnance. Résultat : un nombre des personnes testées en hausse et une détection des personnes positives plus précoce.
De plus, pour les sujets testés négatifs, cela leur permet d’entrer dans une démarche plus constructive vis-à-vis du dépistage et de la prévention. Par la suite, le retour à une forme habituelle de prise en charge médicale est bien sûr encouragé, notamment par le médecin généraliste. « Cette expérimentation ayant très bien fonctionné, il a été convenu dans la feuille de route n° 2 de l’instituer comme une priorité d’extension sur l’ensemble du territoire national », pointe François Dabis. Le ministère ainsi que la Caisse nationale d’Assurance-maladie ont décidé de proposer ce nouveau service désormais appelé « VIH Test » dès le début de l’année 2022.
*Centres gratuits d'information, de dépistage et de diagnostic des infections par les virus de l'immunodéficience humaine, des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles
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