À l’origine de douleurs chroniques et de handicap moteur, l’arthrose grève fortement le bien vieillir. Par son caractère algique, elle favorise les troubles du sommeil, la détérioration de la santé mentale, l’isolement social, etc. Bien souvent, elle limite aussi l’activité physique, la gonarthrose étant la localisation la plus fréquente.
Un impact important en termes de morbimortalité
Or « cette sédentarité provoquée par les difficultés liées à la marche est un facteur de risque cardiovasculaire majeur, que ce soit en termes de morbidités ou de mortalité », souligne le Pr Francis Berenbaum (chef du service de rhumatologie, hôpital Saint-Antoine, Paris). On sait par exemple que le fait d’avoir une arthrose de genou ou de hanche impactant la marche augmente la mortalité cardiovasculaire de plus de 50 %. Un chiffre « tellement énorme que la FDA (Food and Drug Administration) considère depuis 2018 l’arthrose comme une maladie grave ».
Dans ce contexte, la prévention de la maladie et de ses complications est essentielle, notamment chez le jeune senior.
En prévention primaire, « il y a deux éléments incontournables », insiste le Pr Berenbaum. Le premier consiste à lutter contre le surpoids, « facteur de risque majeur de gonarthrose ». Outre l’impact mécanique direct, le surpoids favorise en effet la production par le tissu adipeux de médiateurs pro-inflammatoires type adipokines.
Le second repose sur l’activité physique, « dont le caractère protecteur vis-à-vis des articulations est bien démontré ». Avec, notamment, un impact articulaire direct, via la mobilisation du cartilage mais aussi via l’amélioration de la trophicité musculaire et des tendons, qui participe à la stabilité articulaire.
Le Pr Berenbaum souligne par ailleurs « l’importance de la prévention des traumatismes (dans le cadre d’une pratique sportive de loisir, au niveau professionnel, etc.), facteur de risque majeur d’arthrose ».
Sur le plan alimentaire, « aucun type d’alimentation spécifique, aucun régime d’exclusion n’a fait la preuve de son efficacité dans la prévention ou le ralentissement de l’arthrose », tranche le Pr Berenbaum. Et même si certains travaux suggèrent un intérêt potentiel des régimes anti-inflammatoires, type méditerranéen, « cela reste du domaine de la recherche ».
Genu varum et genu valgum étant des facteurs de risque locaux d’arthrose, leur correction peut être envisagée mais uniquement en prévention « primo-secondaire » chez des patients n’ayant pas de lésions bien définies radiologiquement mais étant déjà douloureux. Aucun bénéfice n’a pu être montré, en revanche, chez un patient asymptomatique.
Une fois l’arthrose établie, « les leviers sont les mêmes qu’en prévention primaire », à savoir activité physique régulière et perte de poids si besoin. L’une comme l’autre ont fait la preuve de leur bénéfice sur l’évolution et la symptomatologie de la maladie. À atteintes structurales équivalentes, « quelqu’un qui pratique de l’activité physique aura moins de douleurs que quelqu’un qui n’en fait pas ». Même chose pour une personne obèse par rapport à un sujet de poids normal, ce constat s’expliquant probablement en partie par le rôle joué par les adipokines au niveau des nerfs sensitifs, où elles semblent favoriser le signal douloureux.
Prothèses : la fin du dogme des 65 ans
Quid par ailleurs de la place de la prothèse chez le jeune senior en prévention des complications liées à l’inactivité physique ? Alors que, pendant longtemps, la règle était de ne pas proposer de remplacement articulaire avant 65 ans, la démonstration de l’impact majeur de la sédentarité en termes de morbimortalité a fait bouger les lignes. Et « maintenant, on pose des prothèses parfois même bien avant 60 ans », rapporte le Pr Berenbaum.
Tout en sachant que plus la prothèse est installée tôt, plus l’usure est rapide et plus la probabilité de nécessiter une révision est importante. Par ailleurs, « si c’est une bonne réponse pour la hanche, pour le genou ce n’est pas la panacée puisque 20 % des personnes qui vont être opérées correctement auront toujours des douleurs un an après l’intervention ».
Quoi qu’il en soit, le Pr Berenbaum appelle à changer de regard sur l’arthrose. « Même si elle survient avec l’âge, il est important d’insister, notamment auprès des jeunes seniors, sur le fait que l’arthrose n’est pas la maladie des vieux, qu’il ne s’agit pas d’une usure inéluctable de l’articulation et que même si, pour le moment, il n’y a aucun traitement médicamenteux capable de retarder ou de stopper la maladie, il y a des choses à faire. »
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