Le point de vue de Christian Mainguy

En finir avec les contreverités sur l'absentéisme

Publié le 27/09/2018
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christian mainguy

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Crédit photo : DR

Depuis plusieurs semaines, le débat sur les arrêts de travail est d’actualité. Des chiffres parfois controversés circulent. Les premières mesures, qui semblent guidées par une approche budgétaire, consistant à mettre à contribution les entreprises, font débat. Elles ne doivent pas faire l’impasse sur la nécessaire compréhension des causes de ces arrêts de travail, préalable nécessaire à la formulation de réponses adaptées. C’est dans cette optique que Réhalto mène depuis 4 ans une enquête annuelle sur les arrêts de travail « comprendre pour agir ». Notre expérience et nos études nous amènent à dénoncer plusieurs contrevérités qui circulent sur les arrêts de travail.

Trois idées reçues inexactes

Le taux d’absentéisme continue à croître. Les chiffres publiés et les nombreux articles sur le sujet pourraient conclure à une croissance inexorable du taux absentéisme et à installer un sentiment de fatalité et d’impuissance. La dernière enquête Réhalto BVA semble montrer un possible renversement de la tendance, avec un taux d’absentéisme plus faible en 2017 qu’en 2016.

La corrélation entre croissance économique, taux de chômage et absentéisme nécessite des études plus approfondies. Plusieurs exemples observés à l’étranger suggèrent qu’une amélioration de l’économie et une décrue du chômage font baisser le taux d’absentéisme. Le champ législatif et notamment le niveau d’indemnité journalière, peut lui aussi influer sur le niveau d’absentéisme. Il sera à cet égard intéressant de suivre les effets de la nouvelle loi sur l’emploi avec la possibilité de bénéficier du chômage en cas de démission.

Ce sont les entreprises qui sont responsables de l’absentéisme et donc elles doivent payer. Selon notre enquête, 25 % des salariés arrêtés identifient une cause professionnelle comme étant à l’origine de l’arrêt. Parmi les salariés qui identifient une cause professionnelle comme étant à l’origine de l’arrêt, 15 % invoquent des tensions liées à l’organisation du travail et 10 % à des difficultés liées aux pratiques managériales de l’entreprise. À noter qu’en cas de mauvais climat social, ce taux grimpe à 59 %. Remettons une évidence au cœur du débat : selon les salariés, les arrêts de travail sont dans plus de 2/3 des cas dus à des maladies non liées au travail.

Il y a des abus, il faut donc contrôler. L’opinion insidieuse qui persiste à penser qu’il y a des abus et qu’il faut donc renforcer les contrôles, doit être mise en perspective avec le fait qu’année après année, notre enquête montre que plus de 4 salariés sur 10 en situation de poser un arrêt de travail ne le font pas. On peut d’ailleurs s’interroger sur les conséquences de ne pas prendre ces arrêts : aggravation de l’état de santé, épuisement professionnel.

L'absentéisme, un phénomène complexe et multifactoriel

Les enseignements de nos études et notre expérience dans l’accompagnement des personnes et des organisations montrent que le phénomène de l’absentéisme est complexe, qu’il résulte de causes plurifactorielles, d’ordre individuel, organisationnel et sociétal. La bonne nouvelle est qu’il existe de nombreux leviers, que les entreprises et les pouvoirs publics peuvent mobiliser.

Alors que des solutions de type pollueurs payeurs semblent se dessiner, il paraîtrait plus judicieux d’inciter les entreprises à promouvoir des actions de santé au travail. Pénaliser les entreprises souvent engagées dans des transformations et confrontées à des ruptures de modèles économiques, relèverait de la double peine, sachant que déjà, des ajustements de tarification peuvent être imposés par les assureurs lorsque la sinistralité de leur compte prévoyance est élevée.

Six leviers à mobiliser en priorité

Nous préconisons plutôt de mobiliser tous les leviers disponibles pour maîtriser l’absentéisme.

- Promouvoir des politiques de santé des salariés. Les entreprises avec le support de leurs assureurs ont tout intérêt à promouvoir la santé de leurs salariés au travers de campagnes incitant à mieux s’alimenter, par la promotion du sport, par les programmes accompagnements psychologiques lorsque les salariés sont confrontés à des difficultés d’ordre personnelles ou professionnelles, mais aussi par des campagnes de vaccination et par la prévention des troubles musculosquelettiques.

- Apporter des solutions concrètes face à certaines difficultés de la vie personnelle, auxquelles sont confrontés les salariés, comme par exemple les situations de salariés aidants, plus exposés aux risques d’épuisements. À cet égard il est intéressant de noter que, toujours selon la dernière édition de l’enquête annuelle Réhalto, dans les entreprises ayant mis en place un accord de télétravail, le taux d’absentéisme est plus faible.

- Aménager les postes de travail.

- Promouvoir la santé organisationnelle en agissant sur les causes des tensions liées à l’organisation du travail, en instaurant les bonnes pratiques managériales et en améliorant le dialogue social.

- Accompagner les salariés en arrêts de travail de longue durée. Alors que, selon notre enquête, 2/3 des salariés en arrêt de travail de longue durée souhaiteraient un accompagnement au retour à l’activité, force est de constater que dans ce domaine, la France est en retard. D’autres pays se sont engagés dans cette voie, notamment le Canada et les pays Scandinaves. En Belgique, depuis 2017, tout salarié en arrêt de travail de plus de 4 mois, doit se voir proposer un parcours de réintégration.

- Renforcer les politiques publiques de promotion de la santé au travail.

Christian Mainguy, Président de Réhalto

Source : Le Quotidien du médecin: 9689