Les nouveaux métiers de santé au secours des médecins

Infirmiers en pratique avancée et assistants médicaux, solutions contre le burn-out ?

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Publié le 07/02/2019
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

En 2030 aux États-Unis, il manquera 105 000 médecins pour prodiguer des soins adéquats à la population américaine, dont 45 000 spécialistes en médecine de famille ou médecine interne. Comment les généralistes pourront continuer leur exercice sans plonger dans le burn-out par surcharge professionnelle ? En s’appuyant sur les « Nurse Practitioners (NP) », peut-être.

Ces infirmiers spécialisés dans les soins primaires et qui ont les capacités de prescrire des traitements et des examens complémentaires avec ou sans supervision, pourraient devenir un maillon essentiel des soins de santé primaires. Leur nombre devrait dépasser celui des médecins dès 2025. Alors que de plus en plus les généralistes et les urgentistes américains se plaignent de burn-out en raison du nombre croissant de demandes de soins (45 à 55 % des effectifs), quelle pourrait être la place des NP dans le paysage sanitaire et quel serait l’impact de leur présence sur la santé mentale des médecins ?

Des nurse practioners aux urgences...

Différents types d’approche d’implication des NP ont été envisagés. Aux urgences de l’hôpital régional de Ellenville dans l’État de New York, par exemple, les NP reçoivent les patients, prescrivent les examens et elles peuvent faire appel par téléphone à l’un des 6 médecins attachés présents à tour de rôle physiquement dans l’établissement la nuit.

L’hôpital de Ellenville est un hôpital régional qui n’accueille pas les blessés graves ni les traumatisés de la route. Néanmoins, certains patients graves s’y présentent par défaut d’orientation. Ce sont les NP qui, si elles estiment nécessaire, vont demander un transfert secondaire vers un « trauma center ». Une solution pour garder des hôpitaux de petite taille ouverts sans épuiser les médecins urgentistes qui deviennent une denrée rare en particulier dans des centres d’urgences de 15 000 passages ou moins. À Ellenville, avec le même nombre de médecins et la présence de 5 NP, le temps de passage moyen est passé de 210 minutes à 100 minutes.

... Ou dans les déserts médicaux

L’autre piste de recours aux NP pour libérer du temps médical est l’installation dans des déserts médicaux. L’idée est de laisser aux NP dans les « communautés » la prise en charge des pathologies simples – grâce à des protocoles établis par avance – et des pathologies chroniques sans signes d’acutisation. En l’absence de possibilités de recours locaux aux soins primaires, ces patients se dirigent, soit vers les urgences des hôpitaux, soit vers les derniers généralistes disponibles.

Ce sont ces mêmes médecins qui rapportent des taux de burn-out de 52 % environ en raison de « dilemmes éthiques » qui se posent lorsqu’il existe une inadéquation entre le temps médical disponible et la charge de travail.

Le transfert des soins primaires n’impacterait pas la qualité des soins. Un retour sur le devenir des patients atteints de douleurs lombaires, infection ORL et céphalées pris en charge par un médecin ou par un NP ne montre en effet pas de différence en termes de prescription d’antibiotiques ou d’examens complémentaires (1).

L'impact de la télémédecine

Analysant l’impact de la généralisation des soins par les NP, le Dr Tanya Henry (American Medical Association) explique que ce type de pratique peut permettre de majorer la satisfaction au travail – et donc diminuer le risque de burn-out - en en améliorant le contrôle sur l’environnement de travail et en minimisant le risque de surcharge de patientèle (2). Le nombre d’heures supplémentaires effectuées par obligation de service ou d’organisation diminue, ce qui permet au médecin de mieux profiter de son temps libre.

L’arrivée des moyens de télémédecine qui permettent d’établir en tout lieu – y compris au golf – une liaison avec les NP a encore permis de restreindre les heures de travail présentiel.

Le temps médical dégagé par les consultations des NP permet aux généralistes de prendre plus de temps avec leurs patients les plus complexes et ainsi de diminuer leur risque de « dilemme médical », sentiment de devoir choisir des patients à qui consacrer du temps aux dépens des autres. Enfin, le Dr Henry insiste sur les « réserves adaptatives » des médecins qui ont du temps libéré : ils sont capables – lorsque les conditions le nécessitent – de consacrer des heures supplémentaires à leurs patients sans réticence puisque ce travail reste exceptionnel et non habituel.

L’analyse de l’impact du déploiement des NP sur les risques de burn-out des médecins américains devrait être rapidement disponible, car c’est un sujet d’étude très populaire chez des NP qui souhaitent que le nombre de diplômés puisse augmenter nettement au cours des prochaines années.

(1) Mafi J, Wee C, Davis R et coll. Comparing Use of Low-Value Health Care Services Among U.S. Advanced Practice Clinicians and Physicians. Ann Intern Med. 2016;165(4):237-244. . DOI: 10.7326/M15-2152
(2) Henry T. Small practice, less doctor burnout ? 4 reasons that may be. American Medical Association. 29 octobre 2018. https://www.ama-assn.org/practice-management/physician-health/small-pra…

Dr Isabelle Catala

Source : Le Quotidien du médecin: 9717