Dans l'insuffisance cardiaque

La thérapie cellulaire à la française fait des petits au congrès de l'ESC

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Publié le 05/09/2016
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thérapie cellulaire

thérapie cellulaire
Crédit photo : PHANIE

Présentée au congrès de la société européenne de cardiologie par le Dr Jozef Bartunel de l'hôpital universitaire d'Alots, l'étude CHART-1 s'inscrit dans la droite ligne des travaux menés à l'hôpital européen Georges Pompidou (AP-HP) par l'équipe du Pr Menasché.

CHART-1 n'a peut-être pas permis pas de dégager une efficacité statistiquement significative de la thérapie cellulaire dans l'insuffisance cardiaque, mais elle fournit néanmoins de précieux indices pour la suite. Elle montre en effet que la thérapie cellulaire est d'autant plus efficace que le volume ventriculaire est important, donc que l'insuffisance cardiaque est sévère.

Parmi les 240 patients souffrant d'insuffisance cardiaque d'origine ischémique, 120 ont bénéficié d'une injection de cellules-souches mésenchymateuses via un cathéter spécialement mis au point pour éviter la dispersion des cellules au-delà de la zone infarcie du myocarde.

Le second groupe ne bénéficiait que d'une simulation de cette procédure. Les cellules employées sont différentes des cellules progénitrices cardiaques utilisées par l'équipe du Pr Ménasché. Les auteurs de CHART-1 « ont longuement étudié l’embryogenèse du muscle cardiaque, et ont caractérisé très précisément les mécanismes de différenciations en "cellules cardiaques like", à mi-chemin entre la cellule cardiaque et la cellule-souche mésenchymateuse », explique au « Quotidien » le Pr Ménasché.

Une efficacité chez les patients les plus sévères

Au bout de 39 semaines, il n'y avait pas de différence significative entre les deux groupes en ce qui concerne le critère primaire d'évaluation : mortalité toutes causes, aggravation de l'insuffisance cardiaque, fraction d’éjection ventriculaire, distance parcourue en 6 minutes de marche etc. Une exception cependant : le taux de mort subite était significativement plus faible dans le groupe ayant reçu des injections de cellules avec un risque relatif diminué de plus de 84 %.

Le groupe des patients traités ayant les ventricules gauches les plus volumineux (volume en fin de diastole compris entre 200 et 370 ml) présente une amélioration de la mortalité (4,5 contre 6,2 %) et de la sévérité de leur insuffisance cardiaque (12,7 % contre 17,7 %). Ces patients particulièrement sévères représentaient 60 % de l'effectif de l'étude. « Nous avons également observé que l'effet est plus important chez les patients ayant reçu moins de 19 injections, précise le Dr Bartunek. Si l'on se concentre sur cette population bien définie, le traitement réduit la sévérité de l'insuffisance cardiaque les leçons tirées de CHART-1 vont fournir les fondations d'une étude CHART-2 »

La bonne soupe du Pr Ménasché

L'ESC a également été l'occasion de dévoiler, lors d'une séance dédiée aux jeunes talents de la recherche, les travaux du Dr Anaïs Kervadec, de l'équipe du Pr Ménasché à l'HEGP. La chercheuse a décrit une tentative, chez la souris, d'utilisation, non pas de cellules progénitrices cardiaques, mais du contenu de leurs vésicules extra-cellulaires.

Au cours de ces précédentes expérimentations, le Pr Ménasché avait en effet observé une amélioration de la fonction cardiaque suite à une greffe de cellules progénitrices et de cardiomyocytes bien après la mort de ces dernières au bout de quelques semaines. Il avait alors formulé l'hypothèse que le bénéfice provenait de la « soupe » de protéines sécrétée par ces cellules.

L'équipe a donc mené une expérience chez des souris ayant une fraction d'éjection inférieure à 45 % : 17 se sont vues injecter des cellules progénitrices cardiaques, 19 ont reçu des cardiomyocytes. Par ailleurs, 19 ont reçu des vésicules tandis qu'un dernier groupe de 17 souris a reçu un placebo. Les souris recevant les vésicules ont vu le volume de leur ventricule gauche diminuer significativement (11 % en systolique, 4 % en diastolique) et leur fraction d'éjection augmenter de 14 %. Les souris recevant des cellules n'ont pas vu leur fonction ventriculaire s'améliorer.

Les vésicules plus faciles à travailler

Afin d'expliquer cette différence, le Pr Ménasché rappelle qu'il est « plus difficile d'avoir un produit homogène avec les vésicules qu'avec les cellules qui peuvent rester accrochées dans la seringue, et dont la qualité varie selon plusieurs facteurs, comme le moment de la journée où elles sont injectées ». Les vésicules présentent de nombreux avantages par rapport aux cellules-souches : il y a moins de réglementations à leur endroit puisqu'elles sont considérées comme un matériau biologique, et peuvent être conservées à moins 80 °C.

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du médecin: 9514