En 2016, les trois quarts des quelque 20 millions de passages aux urgences ont eu lieu pendant les heures d'ouverture des cabinets libéraux. Si une part de cette hausse trouve sa source dans le vieillissement de la population et la croissance de la prévalence des maladies chroniques, une part significative de ces passages – que le ministère de la Santé évalue à 43 % – pourrait être prise en charge par la médecine ambulatoire.
Pour soulager les urgences d'une partie de ces demandes de soins non programmés, hors permanence des soins ambulatoires (PDS-A), les libéraux ne manquent pas d'idées, même si elles s'appliquent inégalement selon les territoires.
Un créneau tous les matins
Le Dr Annick Guichard, généraliste dans une maison de santé pluridisciplinaire à Albi (Tarn), a témoigné lors d'un atelier organisé la semaine dernière au congrès de MG France. « Notre structure propose un créneau tous les matins pour les soins non programmés, y compris le samedi matin. Lorsque les secrétaires n'arrivent pas à gérer les demandes inopinées, je les prends pour faire de la régulation. J’évalue l’appel et en fonction du degré de gravité, cela se traduit par un conseil ou l'envoi d’un effecteur ». Ces dernières années, de telles initiatives libérales ont fleuri dans les territoires.
Outre les plages horaires réservées aux soins non programmés au sein des maisons de santé pluridisciplinaires (MSP), des structures libérales d’exercice groupé dédiées à l’accueil d'urgences légères ont vu le jour – sans oublier SOS Médecins qui, en plus de son activité traditionnelle de visite à domicile, propose aujourd'hui des lieux fixes de consultations non programmées. « Ces solutions coexistent sans une réelle coordination, constate le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF. Face à une démographie médicale déclinante, nous devons aller vers une organisation territoriale mieux structurée, coordonnée avec d'autres organisations existantes, sans excès de protocolisation. » « Les médecins ont toujours assumé leur responsabilité, affirme aussi le Dr Luc Duquesnel, président les Généralistes-CSMF. C'est le cas pour la PDS mais aussi pour les soins non programmés en journée. »
Régulation, numéro unique et éducation des patients
Le schéma idéal imaginé par la profession est simple : une organisation territoriale coordonnée grâce à des outils numériques partagés (agenda, messageries sécurisées), avec une régulation médicale libérale systématique interconnectée avec le Centre 15, et la possibilité laissée aux praticiens d'une régulation délocalisée.
Surtout, la profession entend garder la main sur la gestion des appels grâce à la généralisation du numéro unique 116 117, numéro national distinct du numéro des urgences médicales (15 ou 112). Autre requête partagée : une campagne d'éducation de la population à l'usage des différents numéros d'urgence.
Des CPTS et des doutes
Groupements libéraux placés au cœur de la réorganisation, les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) divisent toujours la médecine de ville. « Cet outil est intéressant mais pas assez simple », alertent la FMF et le SML. En assemblée générale, MG France a jugé de son côté que les moyens mis à disposition des futures CPTS étaient « insuffisants » pour révolutionner les prises en charge dans les territoires mais qu'ils permettraient d'amorcer la recomposition… Le syndicat de généralistes réclame une évolution considérable des montants sur la table.
À ce stade, la CNAM est prête à débourser jusqu'à 90 000 euros spécifiquement pour l'organisation des soins non programmés (indemnités des professionnels de santé et la régulation des demandes) pour une CPTS couvrant plus de 175 000 habitants, selon l'accord conventionnel interprofessionnel (ACI) soumis à l'approbation des syndicats.
Secrétariat délocalisé
Cette subvention intéresse le Dr Roland Rabeyrin, généraliste au Puy-en-Velay et porteur d'un projet de CPTS couvrant un territoire de 65 000 habitants. Son idée est de mettre en place un secrétariat délocalisé, mutualisé, sur lequel les médecins pourront basculer les appels par un simple transfert de la ligne téléphonique ainsi qu'une régulation libérale en journée. « Ce secrétariat sera couplé avec un agenda en ligne partagé. Mais ce service gagnant-gagnant coûte 500 euros par médecin et par mois. Sachant qu'un passage aux urgences coûte de 180 euros à 250 euros, on n'a pas besoin d'en éviter beaucoup dans le mois pour amortir les 500 euros », calcule le Dr Rabeyrin. L'hôpital, en difficulté financière, est-il prêt à voir une partie de son enveloppe consacrée aux urgences transférée à la ville ? La question est posée.
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