L’Ordre et la vulnérabilité des médecins experts

Publié le 18/01/2018
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L’article du Dr Pic (le QdM n° 9630) sur l’Ordre des médecins m’invite à ouvrir un chapitre consacré aux médecins agréés auprès des administrations et aux médecins experts de justice régulièrement oubliés. Ces praticiens auxquels s’attachent les qualités d’objectivité, d’impartialité, d’intégrité (...) sont très exposés à des procédures de nature à remettre en cause l’honneur et la probité d’un expert intègre et courageux. Maillons incontournables de la vie sociétale, leur engagement relève souvent de l’apostolat. Mais ils sont cependant l’objet de violences et l’absence d’unité de leur statut face aux différents ordres de juridiction, les rend particulièrement vulnérables.

Président de la Compagnie des Experts de justice de Metz, j’ai adressé à mes experts des recommandations de la plus grande fermeté : interrompre toute expertise se déroulant dans un cadre de violence quelle qu’elle soit ; ne jamais céder aux tentatives d’intimidation, de chantage et de menaces ; préserver par tout moyen, sa totale indépendance ; envisager toute action judiciaire récursoire (...)

Trop de plaintes sur les résultats d'expertises

Or, j’ai fait le constat qu’en deux ans, un nombre significatif a été victime de plaintes déposées auprès du conseil départemental de l’Ordre dans le cadre précis de leur activité de collaborateur du service public. Ces plaintes naissent au seul motif du mécontentement du résultat de l’expertise dès lors qu’il ne satisfait pas les exigences des dépositaires. Une posture qui ne doit rien au comportement de l’expert. Dans le cadre de la médecine de contrôle, hors médecine de soins, un médecin expert revêt le statut de COSP (collaborateur occasionnel du service public) (...) Dans ce statut de COSP, l’expert est normalement placé sous la protection des Art 433 – 5, Art 434 – 24, et 434 - 8 du Code pénal, attaché à toute personne chargée d’une mission de service public (...), quant aux outrages de nature à porter atteinte a « sa dignité ou au respect de la fonction dont elle est investie ».

Dès lors que les plaintes concernent le résultat des expertises (...) et non le comportement du médecin expert, je m’interroge sur leur recevabilité et sur la légalité des réunions de conciliation imposées par l’Ordre. Dans le cadre des procédures relevant de l’Ordre Judiciaire, l’Expert est assimilé́ à un simple prestataire de services donc seul, particulièrement exposé, et engageant sa propre responsabilité.

Une réflexion nationale sur notre statut s'impose

Sans méconnaître toute l’importance des procédures de conciliation, car inscrites dans la Loi sur la modernisation de la justice, à un moment de renouvellement de nos élus, il m’apparaît souhaitable que l’Ordre informe systématiquement les plaignants qu’ils peuvent être poursuivis si les plaintes sont abusives, s’associe plus souvent aux plaintes judiciaires déposées par les médecins contre leurs agresseurs, encourage les compositions des Conseils des ordres départementaux et régionaux, d’au moins un médecin référent connaissant les domaines de l’expertise médicale et ouvre une réflexion nationale sur le statut du médecin agréé et celui du médecin expert de justice. Faute de quoi, la crise des vocations que connaît la médecine administrative et judiciaire, ne saurait que s’aggraver par la méconnaissance des causes profondes du mal qui les ronge, et de leurs remèdes.

Dr Patrick Bernard, rhumatologue, Metz (57)

Source : Le Quotidien du médecin: 9632