Le marché des aliments issus de l'agriculture biologique est en plein essor depuis plusieurs années. Issus de modes de production sans produits phytosanitaires, ces aliments sont de plus en plus prisés des consommateurs qui espèrent notamment un bénéfice pour leur santé. Néanmoins, si l'exposition professionnelle aux intrants synthétiques chez les agriculteurs a été associée à un risque accru de pathologies, notamment cancer de la prostate, lymphome et maladie de Parkinson, il n'existe pas suffisamment de données épidémiologiques actuellement pour conclure à un effet protecteur de l'alimentation bio (contenant peu ou pas de pesticides synthétiques) sur la santé de la population générale. Il n'existe pas d'études interventionnelles à long terme chez l'homme et très peu d'études observationnelles ont déjà été publiées.
Parmi les travaux existants, une étude (1) épidémiologique menée par des chercheurs du centre de recherche en épidémiologie et statistiques Sorbonne Paris Cité (Inra/Inserm/Université Paris 13/CNAM) a observé une diminution du risque de certains cancers chez les consommateurs réguliers d'aliments bio, par rapport aux personnes qui en consomment peu ou pas. L'étude a porté sur un échantillon de 68 946 participants de la cohorte française NutriNet-Santé. Cette cohorte comprend 78 % des femmes et l'âge moyen des participants est de 44 ans. « Nous avons suivi les gens pendant 4,5 ans et nous avons pris en compte de nombreux facteurs en termes de profil alimentaire, d'activité physique, de consommation de compléments alimentaires, etc. », détaille Emmanuelle Kesse-Guyot, épidémiologiste à l'INRA, pilote de l'étude.
Réduction du risque de certains cancers
Les personnes ont été interrogées sur leur consommation d'aliments bio ou conventionnels à l'aide d'un questionnaire de fréquence de consommation (jamais, de temps en temps, la plupart du temps) pour 16 groupes alimentaires (fruits, légumes, viande, poisson, etc.). Pendant le temps du suivi, 1 340 nouveaux cas de cancers ont été enregistrés et validés sur la base de dossiers médicaux. « Nous avons pu observer une diminution de 25 % du risque de cancers chez les personnes qui mangeaient le plus régulièrement du bio », souligne Emmanuelle Kesse-Guyot. Cette association était particulièrement marquée pour les cancers du sein chez les femmes ménopausées, avec -34 % de risque et pour les lymphomes non-hodgkiniens, avec -76 % de risque. Une autre étude observationnelle, menée en Angleterre en 2014 sur 623 000 femmes d'âge moyen, a montré une réduction significative du risque de lymphome non-hodgkinien chez les femmes consommant bio, comparées à jamais.
Ces études doivent cependant être analysées avec précautions. « Évidemment, les personnes qui mangent du bio peuvent avoir un mode de vie plus sain. Notre approche épidémiologique consiste à tenir compte de ces facteurs de confusion. Fréquents dans le champ de la nutrition, ils sont corrigés par une technique d'analyse statistique dite d'ajustement, qui permet d'en neutraliser les effets », précise Emmanuelle Kesse-Guyot.
« Néanmoins, nous n'avons jamais préconisé de manger bio pour éviter d'avoir un cancer, met en garde Emmanuelle Kesse-Guyot. La seule chose que l'on peut dire, c'est que si ces résultats étaient confirmés dans d'autres études, cela pourrait être une piste prometteuse de prévention », conclut-elle.
(1) The frequency of organic food consumption is inversely associated with cancer risk: results from the NutriNet-Santé prospective Cohort , Julia Baudry, Karen E. Assmann, Mathilde Touvier, Benjamin Allès, Louise Seconda, Paule Latino-Martel, Khaled Ezzedine, Pilar Galan, Serge Hercberg, Denis Lairon & Emmanuelle Kesse-Guyot, JAMA Internal Medicine, 22 octobre 2018
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