Rencontré lors du Congrès de la Société européenne de cardiologie (ESC), le Pr Michel Ovize de l’hôpital Louis-Pradel (Hospices civils de Lyon) revient avec nous sur l’échec de l’essai CIRCUS (does Cyclosporine ImpRove Clinical oUtcome in ST elevation myocardial infarction) : l’administration de cyclosporine en amont de l’angioplastie ne réduit pas les dommages liés à la reperfusion après un infarctus du myocarde.
LE QUOTIDIEN : Sur quoi se basait-on pour penser que la cyclosporine pouvait prévenir spécifiquement les lésions causées par la revascularisation après un infarctus ?
Pr OVIZE : La cyclosporine est connue pour son action antirejet, mais elle est aussi capable de bloquer l’ouverture d’un canal calcique sur les parois des mitochondries. Ce canal ne s’ouvre pas en temps normal, ni pendant la période d’ischémie, mais seulement lors de la reperfusion, car c’est à ce moment-là que l’on a des phénomènes d’accumulation brutale de calcium et de radicaux libres qui favorisent l’ouverture de ce canal. Des tests sur l’animal étaient positifs. En 2008, nous avons publié les premiers résultats positifs chez l’homme avec Christophe Piot (hôpital Arnaud-de-Villeneuve, Montpellier). Sur 60 patients, nous avions une réduction de 20 % de créatine kinase au bout de 72 heures. Dans l’étude CIRCUS, nous avons mesuré des critères cliniques chez près de 800 patients à haut risque ayant un infarctus antérieur. Nos critères étaient plus sévères : décès, remodelage ventriculaire gauche et insuffisance cardiaque à un an.
Les résultats sont négatifs y compris pour les marqueurs utilisés dans la précédente étude. Quelles sont les explications possibles ?
Il s’agit peut-être d’une erreur type 1, c’est-à-dire qu’on a eu de la chance sur le premier essai et que l’on ait rétabli la vérité avec plus de patients. Un autre élément peut aussi être discuté : nous n’avons pas utilisé les mêmes préparations de cyclosporine. À la place de la cyclosporine produite par Novartis véhiculée par du Crémophor, nous avons utilisé un bioéquivalent conçu spécifiquement pour l’étude par NeuroVive.
À en croire les résultats plutôt négatifs des différentes études (CIRCUS, ALBATROSS et PROMPT) présentées cette année au congrès de l’ESC, il semble de plus en plus difficile de progresser dans la prévention des dommages de l’infarctus ?
Dans l’infarctus, il faut faire la part des choses entre les dommages liés à l’ischémie et ceux provoqués par la reperfusion. On sait éviter les lésions liées à l’ischémie grâce aux techniques de reperfusion et à l’amélioration de la stabilité de la plaque, mais aujourd’hui on arrive à un plateau où les progrès se payent cher. En ce qui concerne les conséquences de la revascularisation, nous n’avons pour l’instant aucune réponse. On connaît les mécanismes, mais on n’arrive plus à progresser. Est-ce que c’est parce que l’on n’a pas la bonne molécule ? La bonne stratégie ?
Les résultats de CIRCUS nous poussent à remettre en cause notre façon de penser. Une molécule seule ne va sans doute pas révolutionner la prise en charge. Peut-être faudrait-il combiner les approches de conditionnement et de post-conditionnement ischémiques et les approches pharmacologiques. Il faudra jouer sur plusieurs cibles.
Votre étude concerne une ancienne molécule, ALBATROSS (présentée par le Pr Gilles Montalescot) testait un générique d’antagoniste de l’aldostérone. Est-ce que l’infarctus intéresse l’industrie pharmaceutique ?
C’est un domaine qui a la mauvaise réputation d’être un « cimetière de molécules ». Les industries commencent cependant à s’y intéresser car, derrière la problématique de la reperfusion, on retrouve de nombreuses thématiques comme l’AVC ou la chirurgie digestive.
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