Au-delà de l’action antalgique

Un effet sur les émotions

Publié le 07/12/2015
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Un test pour susciter toute une gamme d'émotions

Un test pour susciter toute une gamme d'émotions
Crédit photo : PHANIE

Une première étude parue en 2010 (1) rapportait une atténuation des sensations négatives et de la souffrance ressentie lors des relations sociales après 3 semaines de traitement par paracétamol par rapport au placebo. En 2013, une deuxième étude réalisée par des psychologues canadiens (2) indiquait que des patients ayant reçu du paracétamol à doses aiguës expriment moins de sentiments négatifs par rapport à leur propre mort que des témoins sous placebo.

Enfin en 2015 (3) une équipe de l’université de l’Ohio a mené une étude incluant 85 étudiants qui recevaient une solution buvable de 1 000 mg de paracétamol ou un placebo. Une heure plus tard, on a soumis à ces étudiants 40 photographies extraites d’une banque d’image, l’international affective picture system, développée à l’initiative de l’assocaition américaine de psychologie et de l’institut national de la santé pour évaluer les réponses émotionnelles. Ces 40 images ont été utilisées comme des stimuli destinés à provoquer toute une palette d’émotions, de très déplaisantes à très agréables. Les étudiants devaient, d’une part, coter l’impression positive ou négative (de extrêmement négative à extrêmement positive) suscitée par chaque image, d’autre part indiquer sur une échelle de 0 à 10 le niveau de réaction émotionnelle que provoquait pour eux cette image. Cette étude comportait une deuxième partie, un test destiné à déterminer si l’impact du paracétamol s’exerçait bien sur les émotions ou sur la cognition : les participants devaient indiquer la proportion de couleur bleue qu’ils voyaient dans chaque image.

Des émotions moins fortes

Les résultats montrent que les étudiants sous paracétamol ressentent de façon significativement moindre les stimuli extrêmes, que ceux-ci soient positifs ou négatifs par rapport à ceux recevant le placebo, comme si le paracétamol émoussait les émotions. La réaction émotionnelle face aux images est également moindre dans le groupe paracétamol, quel que soit le type de stimulus et le type d’émotion ressentie.

Enfin, l’évaluation de la proportion de bleu dans les images a été identique chez les sujets sous paracétamol et chez ceux sous placebo, témoignant d’un effet du paracétamol sur les émotions et non sur la cognition.

Les sujets sous paracétamol auraient ainsi un ressenti de moindre amplitude face à des stimuli non douloureux agréables ou désagréables, mais aussi moins d’émotions.

Le mécanisme qui sous-tend cet effet sur les émotions reste à déterminer. Cet effet est également observé avec d’autres médicaments, en particulier avec des inhibiteurs de la capture de la sérontonine, ce qui serait en faveur d’une action sérotoninergique du paracétamol.

Ces données invitent à considérer le paracétamol non plus seulement comme un antalgique mais aussi comme un traitement qui atténue les réactions émotionnelles, en particulier à la douleur.

D’après une communication du Pr Serge Perrot, CHU Hôtel Dieu, Paris

 

(1) Dewall CN et al. Psychol Sci. 2010;21:931-7

(2) Randles D. et al. Psychol Sci. 2013;24:966-73

(3) Durso GR et al. Psychol Sci. 2015;26:750-8


Dr Hélène Collignon

Source : Le Quotidien du Médecin: 9456