Comme l'a rappelé la Dr Camille Taillé, nous disposons actuellement surtout de données épidémiologiques qui soulignent le lien entre les deux pathologies.
La prévalence du SAOS chez les asthmatiques varie toutefois selon les études, principalement parce que certaines retiennent un diagnostic de syndrome d'apnées obstructives du sommeil (SAOS) sur un score de probabilité tandis que d'autres se basent sur un enregistrement polysomnographique. « Or, les scores cliniques de dépistage du SAOS n'ont peut-être pas la même valeur prédictive chez les asthmatiques, qui se plaignent fréquemment de fatigue et de somnolence en dehors de tout SAOS », a souligné la Dr Taillé.
Une prévalence du SAOS de 49 %
Une étude de 2003 avait mis en évidence une prévalence du SAOS attesté en polygraphie de 21 %, dont 12 % de formes légères et 9 % de formes modérées à sévères. Un travail de 2016 mené à l'hôpital Bichat sur 55 patients asthmatiques a retrouvé une prévalence du SAOS de 49 %, essentiellement des formes modérées (index apnées-hypopnées médian de 14/heure) [1].
Les études montrent également que la prévalence du SAOS est d'autant plus élevée que l'asthme est plus sévère et difficile à contrôler, avec notamment, dans un travail de 2009 une association entre l'existence de ronflements habituels et la dose de corticostéroïdes inhalés (CSI) [2]. « Un lien épidémiologique qui peut faire discuter le rôle des corticostéroïdes inhalés (CSI) eux-mêmes dans la physiopathologie du SAOS », a estimé la Dr Taillé, avant d'indiquer que la vraie question est « de l'asthme et du SAOS, qui est l'œuf et qui est la poule ». Au cours de l'asthme, l'obstruction nasale, les modifications au niveau pharyngé et la plus grande collapsibilité des voies aériennes supérieures peuvent expliquer la survenue d'un SAOS, qui lui-même peut favoriser l'asthme par plusieurs voies, en particulier neurophysiologiques et inflammatoires. « Le SAOS est une maladie inflammatoire locale et systémique, associée à une augmentation du nombre de neutrophiles et des taux d'IL8 dans le nez et les bronches », a rapporté la Dr Taillé sur la base des résultats du travail mené à Bichat. Le SAOS pourrait ainsi influencer le phénotype de l'asthme. « À côté de l'augmentation du taux de neutrophiles dans l'expectoration induite, nous avons mis en évidence une diminution de l'épaisseur de la membrane basale chez les sujets souffrant d'asthme sévère et apnéique. Un constat a priori contre-intuitif, qui reste aujourd'hui mal expliqué ».
L'élévation des métalloprotéases est l'une des pistes explorées, une hypothèse appuyée par des travaux expérimentaux sur un modèle de souris asthmatiques soumises à des hypoxies intermittentes.
Le risque d'apnée augmente avec l'asthme
L'asthme peut-il induire des apnées ? Les données dans ce domaine sont peu nombreuses, mais une équipe qui a suivi pendant 4 ans des patients asthmatiques a montré que le risque de devenir apnéiques augmente lorsque l'asthme évolue depuis plus de 10 ans, et ce après ajustement sur les facteurs confondants tels que l'obésité et le reflux gastro-œsophagien.
« Enfin, au niveau thérapeutique, l'impact de la pression positive continue, traitement de référence du SAOS, doit faire l'objet d'études randomisées car les résultats sont pour l'instant contradictoires », a conclu la Dr Camille Taillé.
D'après la communication de la Dr Camille Taillé (Paris)
(1) Taillé C et al. PLoS One. 2016 Mar 2;11(3):e0150042.
(2) Teodorescu M et al. Chest. 2009 May;135(5):1125-32.
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