Maladie coronaire stable

Vers la double anti-agrégation plaquettaire au long cours ?

Publié le 09/04/2015
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Crédit photo : PHANIE

Tout indique qu’utiliser deux antiagrégants plaquettaires plutôt qu’un seul doit permettre de diminuer les événements cardiovasculaires (CV) aigus dans la maladie athérothrombotique. Mais, tout indique aussi, que la double anti-agrégation augmente le risque hémorragique.

Ces intuitions ont été confirmées par deux essais cliniques qui n’ont pas montré de bénéfice clinique net d’une double anti-agrégation par rapport à une simple chez des patients stables.

Dans l’étude CHARISMA, publiée en 2006, l’association de clopidogrel et d’aspirine évaluée par rapport à l’aspirine seule chez 15 603 patients en prévention primaire et secondaire avait permis de réduire de 12 % (p = 0,046) le risque d’événements CV majeurs en prévention secondaire, mais n’avait pas eu d’effet favorable chez les patients à haut risque en prévention primaire (RR : 1,2 ; p = 0,20). Sur l’ensemble de la population incluse, le risque hémorragique avait été augmenté sous la double association, de façon toutefois non significative (RR : 1,25 ; p = 0,09) et il n’y avait pas eu d’effet sur la mortalité totale (RR : 0,99 ; IC95 % : 0,86–1,14 ; p = 0,90).

Dans l’étude DAPT, publiée en 2014, les effets au long cours de l’association d’aspirine et de clopidogrel ou de prasugrel ont été évalués chez 9 961 personnes n’ayant eu aucun événement CV ou hémorragique dans l’année suivant une angioplastie coronaire avec stent actif. L’étude avait montré que la double association permet, à 30 mois, de réduire le risque d’événements CV majeurs (HR : 0,71 ; p‹ 0,001) mais qu’elle augmente le risque d’hémorragies majeures de 1 % en valeur absolue (p = 0,001) ainsi que la mortalité totale (HR : 1,36 ; p = 0,05).

Un résultat favorable peut-il être obtenu avec un autre anti-agrégant plaquettaire associé à l’aspirine ? Avec des doses plus faibles des anti-agrégants utilisés ? Ou dans une population plus sélectionnée ? C’est à ces questions qu’a voulu répondre l’étude PEGASUS.

Un nouvel antiagrégant plaquettaire

L’étude PEGASUS évaluait si un traitement associant ticagrelor et aspirine versus aspirine seule réduit le risque d’événements CV majeurs, parmi des patients avec un antécédent d’IDM de plus d’un an et de moins de trois ans et des facteurs de risque de thrombose artérielle.

Les deux particularités de cette étude sont tout d’abord l’inclusion de patients âgés d’au moins 50 ans, ayant une maladie coronaire stable et au moins un critère de risque thrombotique (âge d’au moins 65 ans, diabète, antécédent de 2 infarctus du myocarde [IDM], maladie coronaire multitronculaire ou insuffisance rénale), sans antécédent d’AVC, qu’il soit ischémique ou hémorragique ; mais aussi l’évaluation de deux doses différentes de ticagrelor : la dose actuellement préconisée (90 mg deux fois par jour) et une dose plus faible (60 mg deux fois par jour).

L’étude a été conduite en double aveugle contre placebo et devait être poursuivie jusqu’à ce que 1 360 événements du critère primaire d’efficacité (associant les décès CV, IDM et AVC) soient survenus. Le critère primaire de sécurité était constitué par les hémorragies majeures selon la définition TIMI.

Un effet globalement favorable

Cet essai multicentrique et international, a inclus 21 162 patients, suivis en moyenne 33 mois. Leur âge était en moyenne de 65 ans, 24 % étaient des femmes, 32 % des diabétiques et 59 % des pluritronculaires.

Au terme de la survenue de 1 568 événements du critère primaire d’efficacité, l’étude a démontré que les événements CV sont réduits de façon significative et similaire, quelle que soit la dose de ticagrelor, par rapport au placebo, en sus de l’aspirine (réduction relative du risque de 15 à 16 %).

Une augmentation significative (p‹0,001) du risque d’hémorragies majeures selon la définition TIMI a été observée et ce, quelle que soit la dose de ticagrelor (HR : 2,69 sous ticagrelor 90 mg x 2 et HR : 2,32 sous ticagrelor 60 mg x 2). Il n’y a pas eu d’augmentation significative des hémorragies fatales (HR : 0,58 sous ticagrelor 90 mg x 2 et HR : 1,00 sous ticagrelor 60 mg x 2) et des hémorragies intracrâniennes (HR : 1,44 sous ticagrelor 90 mg x 2 et HR : 1,33 sous ticagrelor 60 mg x 2).

Il n’y a pas eu de différence significative concernant la mortalité totale (HR : 1,00 sous ticagrelor 90 mg x 2 et HR : 0,89 sous ticagrelor 60 mg x 2).

En pratique : une nouvelle voie thérapeutique

L’association de ticagrelor et d’aspirine, par rapport à l’aspirine seule réduit le risque d’événements CV majeurs chez des patients ayant une maladie coronaire chronique stable, avec un surcroît d’hémorragies majeures, mais sans augmentation des hémorragies fatales ou intracrâniennes.

La voie est donc ouverte pour envisager une possibilité de traitement au long cours des patients ayant une maladie coronaire stable, des facteurs de risque d’événements thrombotiques et pas de facteurs de risque d’événements hémorragiques. Sous réserve de l’obtention d’une autorisation, cette stratégie s’adressera donc à des patients sélectionnés, et probablement en ayant recours à la dose de 60 mg deux fois par jour de ticagrelor, dose minimale efficace.

Bonaca MP et al. NEJM. DOI : 10.1 056/NEJMoa1500857

Source : Le Quotidien du Médecin: 9402