Sophie Élizéon, déléguée interministérielle

« Attention au choix des mots »

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Publié le 20/01/2023
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Ayant participé aux discussions préparatoires à l’arrêté sur les enfants ayant une variation du développement génital, Sophie Élizéon, déléguée interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah), revient sur le nécessaire accompagnement des parents et sur la formation des professionnels concernés.

Crédit photo : MERodriguezPhotographie/Graph-CMI

LE QUOTIDIEN : Vous avez participé aux discussions préparatoires à l’arrêté de bonnes pratiques de prise en charge des enfants présentant des variations du développement génital. Comment accueillez-vous sa publication ?

SOPHIE ÉLIZÉON : L’arrêté correspond à l’état d’esprit qui nous a animés pendant les réunions de travail. L’idée est d’éviter au maximum les interventions chirurgicales non nécessaires, alors que ces opérations sont vécues dans certains cas comme des mutilations. L’enjeu est en parallèle de mieux accompagner les enfants et leurs familles dans le choix de la solution la plus adaptée pour répondre à chaque situation individuelle.

L’objectif est aussi d’éviter que ne se reproduise ce qui s’est passé dans d’autres pays européens avec la saisine d’un juge pour décider ce qu’il convient de faire. En France, le droit est suffisamment fort pour éviter ce parcours juridique. Le Code civil interdit déjà les interventions sans consentement libre et éclairé. L’article 16-3 stipule qu’« il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l'intérêt thérapeutique d'autrui ».

L’arrêté offre-t-il des garanties suffisantes ?

De notre point de vue oui. C’est un cadre contraignant qui a été défini au cours d’un travail long et délicat car des visions différentes s’opposaient. L’arrêté vient préciser la manière collégiale avec laquelle les professionnels, psychologues ou psychiatres compris, doivent partager les éléments de la décision avec les parents et l’enfant. Une évaluation de sa mise en œuvre, financée par la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah) et le ministère, est prévue. Ce sera l’occasion de dresser un premier bilan des pratiques.

Un point important de l’arrêté est l’accompagnement des parents et la formation des professionnels des secteurs de la santé et de l’éducation, pour lesquels la Dilcrah a développé des fiches pratiques. Quels efforts sont nécessaires ?

Évidemment, beaucoup reste à faire. C'est un des enjeux du plan national d’action contre les discriminations envers les personnes LGBT (2020-2023). Le prochain comprendra nécessairement des actions qui vont dans ce sens. À côté des fiches pratiques, des partenaires associatifs, comme le Collectif Intersexe Activiste, sont déjà prêts à informer les parents.

Un élément important est l’attention à porter au choix des mots. Des termes anciens, comme hermaphrodisme par exemple, ne doivent pas être utilisés. Il est aussi important, comme ces sujets touchent à l’intime, d’être en capacité de dire aux parents que ces variations ne sont pas des pathologies en tant que telles et de rappeler qu’il n’y a pas d’urgence et que ne pas intervenir dès le départ ne sera pas handicapant à l’adolescence. Il faut ensuite que les professionnels soient en capacité d’expliquer concrètement, de manière simple, de quoi il s’agit.

Concernant la formation des soignants, des discussions sont en cours avec le ministère pour intégrer cette question dans le cursus initial de tous les professionnels. La réforme récente des études de médecine a permis une introduction des sciences humaines et sociales dans les cursus. On devrait pouvoir aborder le sujet dans ce contexte. Il faut aussi intégrer ces thématiques à la formation continue, même si j’entends bien que les soignants n’ont pas toujours de temps à y consacrer.

Propos recueillis par E. B.

Source : Le Quotidien du médecin