Courrier des lecteurs

Humbles réflexions sur la dépression

Publié le 04/11/2022

Paracelce*, ce génial médecin de la Renaissance – le savant vagabond — écrit « C’est la dose qui fait le poison ». À ce titre, nous sommes tous allergiques, en témoignent les pathologies de thésaurisation dans lesquelles le défaut d’élimination de doses d’oligoéléments indispensables à la santé, devient alors pathogènes** La dépression serait-elle une allergie aux aléas de la vie ? Le patient dépressif
souffrirait-il d’un défaut d’élimination des impedimenta de la vie qui s’accumulant, atteignent une certaine dose, qui le fait passer des ennuis-tracas-soucis à la vie intolérable ? Son seuil de pénibilité étant débordé, le dépressif devient allergique à sa propre vie. « J’ai perdu ma mère, j’ai plongé dans l’alcool, ma femme est partie, je ne vois plus mes enfants (autant d’allergènes), j’ai divorcé, j’ai été licencié puis incarcéré (autant d’anticorps) ». La vie est urticariante et son prurit est souvent insupportable.

Allons plus loin dans les concepts — beaucoup trop loin —… Si l’anticorps de la vie devenue anti-génique est la mort — le suicide — peut-on, thérapeutes, trouver une pharmacopée non létale — qui puisse prendre en charge la pathologie dépressive selon les critères sus cités ?

La maladie, sous quelques formes qu’elle revêt, véhicule un caractère mortifère, qui confère a minima au patient, l’angoisse de sa disparition proche ou lointaine. Dès lors peut-on, à juste titre thérapeutique, inoculer au patient dépressif, une maladie bénigne surnuméraire, afin qu’en en triomphant, il sorte de sa pathologie ?

D’autre part, afin d’optimiser notre acuité visuelle, l’ophtalmologiste manie différentes corrections sur des supports de lunettes évoquant l’affiche sombre du film de Costa Gavras, L’aveu, brillamment interprété par Yves Montand. Plus la correction est optimale, plus on est capable de lire les petites lettres en bas de la tablette qui est soumise à notre lecture.

Les médicaments antidépresseurs et anxiolytiques ont, somme toute, un but opposé, à savoir mettre un filtre qui nous permet uniquement de lire les hauts de pages, les considérants comme les seuls accessibles à notre lecture actuelle. Voulant éloigner la réalité des faits que sont les lignes en bas de page que devrait pouvoir lire distinctement un esprit voulant recouvrer sa santé mentale, afin de les regarder « en face », le concept de ces traitements nous incite à penser que si nous étions un autre que celui que nous sommes (notre vision actuelle étant inappropriée à ajuster la focale), nous serions à même de résoudre la problématique source de notre mal-être. En ce sens ces traitements contribuent à la dissociation identitaire dont ils seraient les remèdes.

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*Philippus Theophrastus Auré olus Bombastus Von Hohenhein (1493-1541).
** Cuivre ; maladie de Wilson .Fer; hé mochromatose etc.

Dr Thierry Deregnaucourt Médecin généraliste, Sailly-en-Ostrevent (62)

Source : Le Quotidien du médecin