Courrier des lecteurs

Tri des patients : ne soyons pas hypocrites !

Publié le 07/05/2021

Il a été annoncé et confirmé par le ministre de la Santé qu’on ne choisira pas de façon individuelle les patients susceptibles d’aller en réanimation selon leur pathologie. En réalité, il a été choisi spontanément la priorité Covid. De ce fait, les prises en charges de certaines affections comme les cancers opérables (ORL, digestif, ...), les greffes d’organes, se sont retrouvées différées, occasionnant une perte de chance comme cela a bien été montré après la première vague d’il y a un an, mais aussi après la seconde de novembre 2020.

Un reportage télévisé récent montrait des salles de bloc opératoire occupées chacune par un seul lit de «réanimation Covid» avec une infirmière de bloc devenue infirmière de réanimation après une courte formation. Combien de patient(e)s auraient pu être opéré(e)s chaque semaine dans ces blocs, avec pour certains des réanimations moins lourdes que pour celles de la Covid.

Un professeur, chef d’un service de réanimation d’un grand hôpital parisien ne déclarait-il pas récemment lors d’une émission télévisée : dans ma jeunesse alors que j’exerçais au Pérou, il m’est arrivé d’extuber un patient de plus de 70 ans atteint d’une pathologie grave pour intuber un jeune de 23 ans victime d’un accident de moto et qu’on devait opérer pour lui sauver la vie. Il a fait part de ce choix assumé, en raison du manque de lits de réanimation, aux collègues de son service ; il leur signifie qu’eux ne sont pas prêts à faire ce choix, ce qu’ils lui confirment.

Pertes de chance

Est-il mieux de «trier» les patient(e)s au sein d’une pathologie que l’on privilégie (la Covid) ou de faire un choix individuel qui tiendrait compte de toutes les pathologies nécessitant une réanimation ? Ne soyons donc pas hypocrites en disant que l’on ne choisit pas les patient(e)s admis en réanimation. Évidemment, le mieux bien sûr serait, comme on le sait, d’avoir plus de lits de réanimation, avec le personnel formé nécessaire ; que fait-on pour y parvenir ?

En attendant les pertes de chance, par exemple vont croissantes en cancérologie. Dans l’état actuel de nos capacités en lits de réanimation, ne faudrait-il pas « choisir » individuellement selon les chances estimées, toutes pathologies confondues ; le bilan final n’en serait probablement que plus positif.

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Dr Hugues Auvray, Cancérologue, Rouen (76)

Source : Le Quotidien du médecin